Et si les scientifiques étudiaient aussi les femelles ? L'appel d'une chercheuse

Les scientifiques réalisent presque exclusivement leurs expériences et leurs études sur des souris, des rats et des primates mâles.
Les scientifiques réalisent presque exclusivement leurs expériences et leurs études sur des souris, des rats et des primates mâles. © PHILIPPE MERLE / AFP
  • Copié
avec AFP
La chercheuse américaine en neurobiologie Rebecca Shansky a signé jeudi une tribune dans une revue scientifique pour dénoncer les stéréotypes patriarcaux encore répandues dans les laboratoires.

"C'était la norme, on n'étudiait que les mâles" : la chercheuse américaine en neurobiologie Rebecca Shansky se souvient de ses premières expériences en laboratoire, sur des souris, il y a vingt ans. On lui disait à l'époque que "les hormones compliquaient tellement tout qu'on aurait du mal à étudier le cerveau des animaux femelles", poursuit Rebecca Shansky, aujourd'hui en poste au laboratoire de neuroanatomie et de comportement à l'université Northeastern, à Boston.

Un stéréotype persistant

La chercheuse a signé jeudi une tribune dans la grande revue américaine Science pour dénoncer un stéréotype selon elle patriarcal, hérité du 19ème siècle et persistant dans la recherche scientifique actuelle. À cause du cycle menstruel et des variations hormonales, les femmes sont traditionnellement considérées par le monde scientifique comme des versions plus compliquées que les hommes. Elles seraient "hormonales, émotionnelles, instables", a expliqué mardi Rebecca Shansky à des journalistes.

Ce mythe a conduit les scientifiques à presque exclusivement réaliser leurs expériences et leurs études, depuis un demi-siècle, sur des souris, des rats et des primates mâles, dont le cerveau était considéré comme une version normale du cerveau humain. Pourtant, les souris mâles démontrent eux aussi des variations allant du simple au quintuple du taux de testostérone, selon qu'ils sont dominants ou pas. Mais cette variation était considérée comme "un non-problème", écrit la chercheuse.

Des conséquences concrètes sur les médicaments

Cela veut dire que depuis des décennies, les laboratoires pharmaceutiques développent des médicaments dont on s'aperçoit ensuite qu'ils ne sont pas tout à fait adaptés aux femmes, en particulier pour les maladies mentales comme la dépression ou l'anxiété, qui touchent plus de femmes que d'hommes.

Un exemple fameux : le somnifère Ambien produisait plus d'effets indésirables chez les femmes que les hommes. "On s'est aperçu que les femmes devaient finalement prendre la moitié de la dose des hommes, car elles métabolisent le médicament différemment", a expliqué Rebecca Shansky. Le dosage a été changé en 2013.

Les temps changent. Un champ de recherche émergent concerne justement les différences entre sexes pour l'efficacité des traitements contre le cancer. Et depuis 2016, les fonds de recherche publics américains requièrent que les études financées prennent en compte le sexe comme variable biologique. "L'argent motive les gens assez efficacement, donc je pense que cela va améliorer les choses", dit Rebecca Shansky.