Wak-oo, hok, boom… parlez-vous le langage singe ?

© AFP et ISHARA S.KODIKARA
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Noémi Marois
SCIENCES - Les grands singes posséderaient leur propre langue et seraient capables d'abstraction.

Une première étude avait révélé en 2009 l'existence d'un langage chez une espèce de grand singe. Une étude plus récente vient enrichir cette découverte. Les Mones de Campbell, vivant en Afrique de l'Ouest, posséderaient un langage utilisant des abstractions. C'est ce que détaille en tout cas une recherche publiée dans la revue Linguistic and Philosophy, rapportée mercredi par Sciences et Vie. 

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Des phrases de 25 mots décryptées. Le langage des Mones vivant dans le parc national de Taï en Côte d'Ivoire comprend six mots de base, essentiellement liés aux attaques dont les singes peuvent être victimes. Alors que le "hok" sert à signaler une attaque d'aigle, le "krak" est émis quand un léopard est repéré.   

S'ils s'accompagnent d'un "oo", ces deux mots changent de signification. Le "hok-oo" est ainsi utilisé lors d'une contre-attaque contre un aigle ou un mâle compétiteur. Le "krak-oo" sert à signaler un quelconque danger venu du sol.

Enfin, le vocabulaire mone contient aussi le "boom" qui stimule la cohésion spatiale et sociale du groupe de singes. Le "wak-oo", pour sa part, sert à signaler, comme le "hok", une attaque d'aigle mais moins dangereuse.

Des chercheurs avaient découvert en 2009 que les Mones de Campbell étaient capables de "dire" des phrases contenant jusqu'à 25 unités verbales, en associant de manière diverse les six mots de leur vocabulaire. 

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Capables d'utiliser l'implicite. Une équipe de scientifiques franco-anglo-ivoirienne a permis de dévoiler la part d'abstraction que contiendrait cette "langue Mone". Elle a comparé le langage des Mones du parc de Taï avec celui des Mones vivant dans le sanctuaire naturel de Tiwai Island en Sierra Leone. Première découverte, les deux langages diffèrent légèrement. 

Les Mones de Tiwai sont confrontés à moins de prédateurs, ils n'ont par exemple pas de léopards sur leur territoire. Par conséquent, leur "langue" est moins sophistiquée que celle des Mones du parc de Taï. Ils utilisent ainsi un seul et même mot pour tout type de prédateur, le "krak" alors que les Mones de Taï, en cas de danger, doivent choisir entre le "krak", le "hok", le "wak-oo" et le "krak-oo". 

Le fait d'avoir à choisir entre plusieurs mots, selon les scientifiques, implique la capacité à utiliser l'abstraction. En effet, quand un Mone de Taï entend un "krak" lors de l'approche d'un léopard, il en déduit que les autres mots n'ont pas été utilisés et que donc, il ne s'agit pas d'une attaque d'aigle.

Des linguistes sceptiques face à cette découverte. Certains linguistes ont exprimé des doutes face à la découverte de ces soi-disant abstractions chez ces grands singes. L'équipe franco-anglo-ivroirienne n'aurait fait qu'appliquer leurs propres schémas d'interprétation d'humains. Ils attendent des preuves plus directes, en tout cas non calquées sur les règles de la linguistique humaine.  

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