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Manon Fossat , modifié à
Dès la mi-septembre une troisième dose de vaccin contre le coronavirus sera inoculée à 5 millions de Français parmi les plus fragiles. Mais pour Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid de l’Académie nationale de médecine, cela n'est pourtant pas la priorité : l'urgence est surtout de vacciner les Français.
INTERVIEW

Environ 5 millions de personnes âgées ou à "très haut risque" sont ciblées en priorité pour une "dose de rappel" de vaccin anti-Covid à partir de mi-septembre, a indiqué jeudi le ministère de la Santé. Ce chiffre inclut principalement les résidents d'Ehpad et d'unités de soins de longue durée (USLD), les personnes de plus de 80 ans vivant "à domicile", ainsi que les malades "à très haut risque de forme grave" de Covid et les patients "immunodéprimés". Invité d'Europe Matin vendredi, l'épidémiologiste et président de la cellule Covid de l’Académie nationale de médecine, Yves Buisson a jugé cette décision trop prématurée.

"Les personnes qui ont besoin d'un rappel sont les personnes dont le système immunitaire est déficient pour différentes raisons, que ce soit inné ou induit par des médicaments et certaines maladies. Et ces gens-là font déjà l'objet d'une indication de vaccination de rappel", a-t-il affirmé. 

La vaccination de la population, "la priorité"

"Faire une troisième dose à tout le monde, en commençant par les personnes les plus âgées et les plus vulnérables, c'est trop anticiper. D'abord parce que l'immunité cellulaire liée aux anticorps est très difficile à mesurer en pratique et ensuite parce qu'on ne voit pas encore parmi les personnes vaccinées de formes graves de coronavirus nécessitant l'hospitalisation et la réanimation", a-t-il estimé. 

Selon l'épidémiologiste, il faut en effet commencer par vacciner tous les Français. "Il y a d'énormes trous dans la couverture immunitaire de notre population. On est loin du taux de 90% de couverture vaccinale qu'il faut atteindre pour maitriser la circulation de l'épidémie. Et l'urgence des urgences ce sont les personnes âgées vulnérables ou atteintes de comorbidités qui n'ont pas encore été vaccinées", a-t-il poursuivi. "L'injection du rappel sera probablement nécessaire pour tout le monde, mais en parler maintenant, alors que l'on n'a pas fini de vacciner la population, c'est prématuré", a encore dit l'épidémiologiste.

"Pas d'arguments scientifiques pour étayer cette décision"

Pour lui, il est impensable à l'heure actuelle de communiquer autour de cette 3e dose. "Je ne me sens pas capable personnellement de porter cet effort de pédagogie. J'aurais du mal à expliquer à une personne qui a reçu ses deux injections et a été correctement vaccinée qu'elle a besoin d'un rappel. Je n'ai pas d'arguments scientifiques suffisants pour étayer cette décision", a conclu le spécialiste. 

La liste des populations concernées doit encore être formellement établie par la HAS, en vue d'une ouverture des rendez-vous le 1er septembre, pour des injections à partir du 15 septembre.