Santé : deux députées proposent de "sortir la psychiatrie de l'hôpital"

Faute de moyens déployés en ville, la plupart des patients en psychiatrie se retrouvent aux urgences.
Faute de moyens déployés en ville, la plupart des patients en psychiatrie se retrouvent aux urgences. © GUILLAUME SOUVANT / AFP
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avec AFP
Les deux élues proposent de redéployer le personnel de cette filière vers la ville afin d'éviter les retards au diagnostic et le recours croissant à l'hospitalisation sans  consentement.

Face à la "prise en charge catastrophique" des patients en santé mentale, deux députées appellent à "sortir enfin la psychiatrie de l'hôpital" en "redéployant 80%" du personnel de cette filière "au bord de l'implosion" vers la ville "à l'horizon 2030", dans un rapport dévoilé mercredi. 

Un constat "catastrophique"

"Retard au diagnostic beaucoup trop important", "sur-occupation des lits" de psychiatrie représentant un "fléau pour les patients comme pour les soignants", recours croissant "à l'hospitalisation sans consentement"... L'organisation territoriale de la psychiatrie est "tout à la fois inefficiente et inefficace", estiment Martine Wonner (LREM) et Caroline Fiat (LFI), rapporteuses d'une mission d'information sur le sujet. "Le constat est peut-être encore plus catastrophique que ce que nous avions imaginé", a déploré la première, psychiatre de formation, devant la presse.

"C'est encore plus accablant que dans les Ehpad (maisons de retraites médicalisées)", a abondé Caroline Fiat, ancienne aide-soignante. "Le nombre de lits d'hospitalisation en psychiatrie par habitant a diminué de moitié depuis les années 1990", rappelle leur rapport. Mais les structures qui se sont développées parallèlement en ville "ne permettent pas de répondre à la demande croissante" de soins, les centres médicopsychologiques (CMP) étant "partout saturés", tandis que l'attente pour "le premier rendez-vous avec un psychiatre peut atteindre trois mois, et parfois bien plus". 

Redéployer les moyens vers la ville

Conséquence, "les patients n'ont d'autre solution que les urgences, puis d'être hospitalisés, alors que la crise aurait pu être évitée". "Si les revendications des personnels hospitaliers" illustrées par plusieurs grèves depuis l'an dernier (Amiens, Rouen, Le Havre, etc.) "en faveur de plus de lits sont parfaitement compréhensibles, (...) la réponse ne se trouve pas dans l'hôpital mais en dehors", jugent-elles. "Il est urgent de déployer des moyens importants sur les structures extra-hospitalières, qu'elles soient sanitaires, sociales ou médico-sociales", font-elles valoir, plaidant pour "le développement massif d'équipes mobiles" et "de structures d'amont et d'aval".

"Au terme d'une dizaine d'années (...) 80% des moyens de l'hôpital psychiatrique" devraient être déployés "sur l'ambulatoire", estiment les députées. Elles sont toutefois en désaccord sur un point : Caroline Fiat souhaite une augmentation du nombre de lits et de soignants à court terme à l'hôpital, "une nécessité absolue" selon elle, quand Martine Wonner réclame "un moratoire sur l'ouverture de lits" pour ne pas "encore perdre 30 ans" en finançant "des murs" plutôt que "des soins". 

Les députées proposent en outre la création d'une "agence nationale en charge des politiques de santé mentale" semblable à l'Institut national du cancer. En réponse à la crise du secteur, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a nommé en avril le professeur Frank Bellivier délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et promis une "refonte" du financement de la psychiatrie à partir du budget de la Sécurité sociale 2020.