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Anaïs Huet , modifié à
Le professeur François Desgranchamps a reçu des patients victimes d'effets secondaires liés à la prise de Propecia, ce médicament contre la calvitie. Il affirme que la communauté scientifique est démunie quant aux raisons expliquant ce phénomène.
INTERVIEW

Baisse de la libido et des fonctions érectiles, dépression, idées suicidaires… Une dizaine d'hommes ayant traité leur calvitie avec du finastéride, connu aussi sous le nom de Propecia, lancent une procédure judiciaire pour défaut d'information, révèle Europe 1 lundi. Les effets secondaires de ce médicament - toujours sur le marché et prescrit à environ 30.000 hommes en France chaque année - peuvent être définitifs.

Efficace sur des milliers de patients. "Ce médicament est toujours sur le marché pour plein de raisons. D'abord, parce qu'il est efficace. Il y a des milliers de personnes qui en prennent. Malheureusement, quelques-unes réagissent mal", constate le professeur François Desgranchamps, chef du service urologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris, au micro d'Europe 1 lundi midi. 

Le spécialiste, qui a reçu dans son cabinet des patients victimes de ce médicament, observe lui aussi le retard du laboratoire et des médecins prescripteurs à s'emparer du problème. "La communauté médicale a mis du temps à bouger parce que c'est le côté persistant de l'effet secondaire qui est inhabituel. En principe, lorsque l'on prend un médicament et que l'on a un effet secondaire, on arrête le médicament et l'effet secondaire disparaît. Là, il y a un effet secondaire qui persiste et on ne comprend pas le mécanisme", déplore-t-il. 

Aussi, les patients concernés sont rares. "Les études regroupent quinze, vingt hommes, alors que des millions de patients en prennent", souligne le professeur Desgranchamps. De leur côté, les victimes parlent de 20% de consommateurs concernés. Et de nombreux hommes ne savent même pas que leurs problèmes sont dus à ce médicament.

Un mécanisme incompréhensible. Pour l'heure, les études ne parviennent pas à établir avec certitude les raisons qui expliquent pourquoi certains hommes tolèrent très bien le finastéride, et pourquoi d'autres ne le supportent pas et souffrent, mêmes des années après la prise du médicament, de troubles physiques ou psychiques. "On fait des tests de toutes les hormones, de tous les dosages… tout est pareil. La seule chose qui diffère, c'est que les IRM fonctionnelles cérébrales d'un patient avec effets secondaires montrent, lors de stimulis érotiques, que des zones de dépression s'allument dans le cortex, et pas chez les patients sans effets secondaires. On se demande donc si le problème sous-jacent n'est pas une intolérance personnelle à ce médicament", avance l'urologue.

À ce jour, il est toujours impossible pour la communauté scientifique de définir quel patient va tolérer le Propecia, et quel autre va en subir les graves effets secondaires.