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Europe1.fr avec AFP et Chloé Triomphe , modifié à
A l'origine de la révélation du scandale du Mediator en 2010, la pneumologue Irène Frachon a commencé mercredi à livrer un témoignage très attendu. 

La pneumologue Irène Frachon, à l'origine de la révélation du scandale du Mediator en 2010, a commencé à raconter mercredi au tribunal de Paris pourquoi elle s'était "inquiétée de la toxicité" de ce médicament, tenu pour responsable de centaines de morts. Il avait été retiré du marché le 30 novembre 2009.

Pourquoi elle a "tiqué"

Pour la première fois depuis l'ouverture de ce procès-fleuve le 23 septembre, la salle d'audience était comble pour écouter la lanceuse d'alerte, témoin le plus attendu des six mois de débats. Il faudra attendre plus d'une heure d'un exposé très didactique pour qu'Irène Frachon évoque ce mois de "février 2007", quand elle reçoit au CHU de Brest "une patiente obèse, qui souffre d'une HTAP (hypertension artérielle pulmonaire, ndlr) gravissime", une pathologie très rare dont elle est l'une des spécialistes.

"Je m'aperçois qu'elle est sous Mediator. Pourquoi je tique ? Ça tient à deux petites choses", affirme le Dr Frachon. À "une affaire qui l'a profondément marquée" d'abord, celle de l'Isoméride, un coupe-faim des laboratoires Servier, à l'origine de nombreux cas de HTAP chez des "femmes jeunes", et qui sera retiré du marché en 1997 comme d'autres fenfluramines, des produits dérivés de l'amphétamine.

"Manipulateurs" 

Irène Frachon se rappelle aussi des articles de la revue médicale Prescrire, "garde-fou face à un véritable matraquage de l'industrie". Commercialisé depuis trente ans comme un adjuvant au traitement du diabète, le Mediator est pourtant "régulièrement dénoncé dans Prescrire comme étant un dérivé de l'amphétamine", souligne le témoin.

D'après Charles Joseph-Oudin, avocat de nombreuses parties civiles, le témoignage d'Irène Frachon est d'autant plus crucial qu'elle ajoute de l'humanité dans ce procès ultra-médiatisé. "Elle nous parle des victimes, de Marie-Claude, de Martine... Derrière les chiffres et les études, il y a une réalité humaine", affirme-t-il au micro d'Europe 1. 

La pneumologue n'a pas hésité à taxer les laboratoires Servier, de "manipulateurs" et de "falsificateurs" et les accuse d'avoir fait preuve d'un "inébranlable déni".

Neuf filiales du groupe et l'Agence nationale de sécurité du médicament comparaissent au côté de douze personnes physiques dans ce procès pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires".