Le délai du deuil est propre à chacun. 6:00
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Catherine Blanc
Dans l'émission "Sans rendez-vous" sur Europe 1, Catherine Blanc répond à une auditrice qui s'inquiète de ne plus avoir de rapport sexuel avec son mari depuis un mois, à la suite du décès de la mère de ce dernier. Pour la psychiatre et sexologue, il est difficile de donner un délai pour cette période de deuil, mais la sexualité peut attendre.

Faire le deuil d'un être cher est toujours un moment très intime et vécu différemment par chaque individu. Dans l’émission Sans rendez-vous sur Europe 1, la psychiatre et sexologue Catherine Blanc répond à la question d'une auditrice qui se demande si le décès de la mère de son mari est la raison pour laquelle ils n'ont plus de rapports sexuels.

La question de Sandra

"Mon mari a perdu sa maman pendant cette épidémie de coronavirus. Il est très affecté et c'est tout à fait normal. Néanmoins, cela fait plus d'un mois que nous n'avons pas eu de rapports sexuels. Pensez-vous que cette épreuve soit la cause de son manque de désir ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Ce n'est pas automatique. Parfois, faire l'amour est une façon de nier la mort et d'être dans la vie plus que jamais, ou encore d'être dans l'affirmation du besoin de l'autre, du besoin de tendresse, au moment où la tendresse de ceux qui nous étaient chers disparaît. Dans ce cas précis, on peut se dire que perdre sa mère, c'est se retrouver dans une situation de l'enfant en deuil. Quelque soit notre âge, quand nous perdons nos parents, il y a quelque chose de l'enfant qui perd le parent. On a bien fait pourtant la preuve de notre compétence à être adulte, à faire sans nos parents. D'ailleurs, on rechigne parfois à aller les voir trop souvent, non pas parce qu'on ne les aime pas, mais on a notre vie. Tout à coup, c'est une autre chose d'imaginer qu'ils ne seront plus jamais-là. Évidemment, on revisite tout notre passé, on revisite notre enfance. Sans doute que son mari est actuellement dans ces visites. Même s'il n'est pas dans le chagrin exprimé, il est dans son temps d'enfance. Or, on n'est pas en train de faire l'amour quand on est enfant. On n'est pas dans le désir sexuel, puisqu'on ne se vit pas du point de vue de sa position d'adulte. Donc c'est tout à fait normal et pour chacun ça prend un temps un peu différent oui.

À partir de quand faut-il consulter ou demander de l'aide ?

C'est compliqué de dire quel est le délai. Dans notre société moderne, on a tendance à penser qu'on doit tourner les pages, qu'on doit passer à autre chose, qu'on doit toujours aller de l'avant. Qu'être dans le chagrin c'est dangereux, c'est de la déprime et que c'est la preuve de la fragilité. Mais regardons les religions : nombre de religions proposent un délai de deuil. Où on portait le noir, où on était dans les prières, où on était dans les souvenirs... Dans certaines religions, c'est presque un an pour avoir fait le tour du deuil.

Ça ne veut pas dire qu'on n'était pas actif, mais on ne se proposait pas des choses niant le réel de la mort. Très tranquillement, on passait à autre chose entre l'héritage culturel de nos parents et ce qu'il faut laisser de côté pour écrire sa propre vie. C'est très difficile de décider à partir de quand donc. Je crois qu'il faut simplement voir quand notre vie bascule.

Qu'on ait du chagrin est une chose, mais si on n'est plus apte à être en lien avec les nôtres, si on est plus apte à travailler, si on est plus apte à trouver des moments de sourires et de joie pendant trop longtemps, alors oui, il ne faut pas rester là-dedans. Parce que le mort est mort, mais il ne nous emporte pas avec lui dans sa tombe.

Est-ce normal de ressentir une frustration pour la conjointe ?

La conjointe n'est pas la rivale d'une maman qui tout à coup est mise en avant. Sa frustration vient du fait qu'elle sent l'amour d'un fils pour sa mère. Du coup, elle a le sentiment qu'elle est une quantité négligeable. Mais l'amour est pluriel. Parfois on est tout à notre amour, à notre désir et à ce moment-là on délaisse un peu notre entourage, ce qui ne veut pas dire qu'on ne les aime pas. Et il y a des moments où on est tout à notre chagrin, donc on délaisse aussi notre entourage, ce qui ne veut pas dire qu'on ne les aime pas.

Il faut laisser du temps, peut-être en parler. Pas forcément de comment on va s'en sortir, mais parler de ce parent défunt, des souvenirs qui reviennent. Même s'il y a des larmes, on peut offrir ses bras pour consoler. Même un adulte qui a l'air d'un grand dadais, qui a l'air fort et musclé, tout à coup est tout fragile. C'est aussi là-dedans que se tissent les qualités de lien.

Y a-t-il des astuces pour que son mari retrouve le désir ?

On va éviter de jouer à l'infirmière au sens érotique du terme. On va éviter de jouer à la maman parce qu'elle est irremplaçable. Il faut plutôt être le bon duo, la compagne de vie animée de joie, de rires, pas faux bien sûr. Et quand il y a des pleurs, montrer qu'on est là. Amener des propositions de vie, mais pas pour tirer la couverture à soi, pour consoler tout simplement. La sexualité peut attendre."