La vie professionnelle peut impliquer un éloignement plus ou moins long des deux partenaires au sein d'un couple. Dans l’émission Sans rendez-vous sur Europe 1, la sexologue et psychiatre Catherine Blanc répond à la question d'une auditrice qui se demande comment faire tenir son couple alors que son compagnon s'apprête à partir pour des raisons professionnelles à plus de 800 kilomètres, pendant deux ans.
La question de Marie-Anouk
"Je suis en couple depuis trois ans, tout se passe bien. Je viens d'apprendre que mon copain était muté à 800 kilomètres de chez moi. Pour l'instant je ne peux pas le suivre professionnellement donc on va devoir rester séparés au moins deux ans. Pensez-vous que l'on va tenir ? Comment faire pour que cela tienne ?"
La réponse de Catherine Blanc
"La question n'est pas de savoir si ça tient ou si ça ne tient pas. C'est surtout la question de comment est faite la relation. Est-ce qu'elle est faite sur un élan sexuel, un désir sexuel et un besoin d'être nourri sexuellement réciproquement ? Si tel est le cas, la distance peut être compliquée. Est-ce que d'ailleurs la relation est là pour servir la sexualité ? Si c'est le cas, c'est mal barré, puisque toute occasion renverra à la possibilité de vivre des choses légères, faciles, en opposition à la frustration. Ou alors, au contraire, c'est un sentiment amoureux qui va avoir besoin de prouver combien il est fort et qui va se nourrir de la distance, en se disant que justement c'est la preuve de l'amour. On peut considérer que c'est l'occasion de se dire : 'On se retrouve à telle date, on se voit à telle date' ou 'J'ai organisé telle chose.' Ce qui peut être extrêmement érotique finalement.
N'est-ce pas toujours une épreuve malgré tout ?
Oui c'est toujours une épreuve. D'autant plus que dans notre société, on voudrait nous faire croire que la vie normale n'est que jouissance et satisfaction et jamais frustration. Or la vie, c'est de la frustration. Et là par essence c'est une situation de frustration. Evidemment que c'est une épreuve, mais c'est dans la frustration aussi que l'on apprend à découvrir son potentiel et sa force personnelle et le sens que l'on donne à une relation.
Qu'est-ce qui est le plus difficile dans une relation à distance ?
Evidemment la sexualité, qui est un vrai enjeu, mais aussi la confiance. Pendant ce temps, que fait-il ou que fait-elle ? On est tentés de s'appeler, voire de s'appeler beaucoup et donc de se saouler éventuellement, d'en faire trop parce qu'on arrive pas au bon moment. En temps habituel, on sait grosso modo ce que l'autre fait, on sait qu'on va le retrouver. Tout à coup il y a une forme d'insécurité. 'En mon absence qu'est-ce qu'il vit ? Est-ce que c'est bien ?' D'ailleurs, dire 'C'est super, j'ai passé une super journée. J'ai rencontré des super collègues', ce qui devrait normalement être réjouissant, peut être au contraire vécu comme quelque chose de douloureux.
Faut-il éviter la relation à distance quand on est jaloux ?
On peut travailler sa jalousie. C'est une bonne occasion. c'est le moment d'apprendre que tout ne s'écroule pas quand on ne maîtrise pas ce que fait l'autre, ce que vit l'autre.
Y a-t-il une durée au-delà de laquelle ce n'est plus possible ?
Je crois que c'est impossible de donner une durée. Tout dépend de la capacité qu'a un individu à se construire une vie en dehors de l'autre et en attendant l'autre ou au contraire à être vraiment très aux crochets de l'autre et auquel cas c'est un temps très court de fait. Evidemment, savoir se construire une vie vise aussi à nourrir la relation et pas à s'exclure ou à s'éloigner de l'autre.
Faut-il se fixer des rendez-vous pour que ça tienne ?
Oui, on se donne des rendez-vous et des 'Je t'ai préparé quelque chose' ou 'Je vais te faire découvrir un restaurant que j'ai découvert'. Quand on est jeune, on est plus dans l'inquiétude du temps trop long entre deux rendez-vous et quand on est plus âgé on s'habitue et on a peur que l'autre vienne nous envahir ensuite."