Des professionnels de la santé mettent au point de nouveaux dispositifs innovants pour prévenir des troubles dépressifs 25:35
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Lucie de Perthuis , modifié à
Alors que le lundi 20 janvier, surnommé le "Blue monday", est parfois considéré comme le jour le plus déprimant de l'année, Raphaëlle Duchemin recevait dans la France Bouge des professionnels de la santé qui ont mis au point des innovations ludiques pour prévenir des troubles dépressifs.

Entre le froid, le manque de luminosité, les maladies hivernales, peut-être avez-vous, vous aussi, tendance à déprimer un peu plus au mois de janvier que sous le soleil de l'été. Le lundi 20 janvier serait d'ailleurs le jour le plus déprimant de l'année, selon un psychologue anglais. Ce chercheur a développé une formule basée sur plusieurs critères : le climat, les dettes, le temps écoulé depuis les fêtes, le niveau de motivation... et il a baptisé le lundi de cette période de l'année le "Blue monday", expression que vous avez peut-être déjà entendue tout au long de la journée. Sa théorie tient certes autant de l'opération marketing en faveur d'une agence de voyage que de l'hypothèse scientifique, mais elle n'est pas totalement dénuée d'intérêt : elle permet de pointer du doigt certaines formes de mal-être, dont les prémisses peuvent apparaître en plein cœur de l'hiver. Pour l'occasion, la France bouge recevait lundi des professionnels de santé qui ont mis leur savoir au service d'innovations destinées à lutter contre la déprime et surtout prévenir la maladie vers laquelle elle peut conduire : la dépression.

Une application et des quizz pour sortir du déni

Karine Chevreul est professeur de santé publique à l'Université de Paris. Elle a développé l'application Stop Blues, pour prévenir du mal-être et de la dépression, notamment à l'aide de quizz. Depuis 2013, cette spécialiste s'interroge sur la façon dont on pourrait aider les gens, notamment les plus jeunes, à détecter les signes avant-coureurs d'une dépression. "Le problème c'est que les gens ont tendance à rester seuls, à ne pas parler de leur mal-être. On sait que plus on tarde à être pris en charge, plus on va s'enkyster, et passer de la déprime à la dépression", explique Karine Chevreul. "La meilleure façon est donc de donner aux gens un outil pour savoir s'ils présentent des signes inquiétants, quels sont ces signes. On peut se tester, savoir comment on va et que faire si on ne va pas bien", poursuit-elle.

Pour cette spécialiste, il est essentiel de sortir les gens du déni. "Si on crée un compte, on va recevoir des conseils pour prendre conscience, et on va être poussé à parler à quelqu'un". Karine Chevreul précise qu'il ne s'agit en aucun cas de se substituer à une consultation. Cette application est un outil thérapeutique de prévention, de conseil. "Grâce à l'application, on peut réaliser qu'on a besoin de faire quelque chose, et souvent, c'est d'aller parler, ou simplement de faire des choses pour soi-même", affirme la professeure.

Le site Stop Blues a été consulté 152.000 fois, et l'application a été téléchargée entre 7.000 et 10.000 fois. Karine Chevreul, qui rappelle que la France est un des plus grand consommateur d'antidépresseur et connaît un taux de suicide élevé, travaille actuellement sur le développement d'outils à destination de catégories spécifiques de la population, comme les agriculteurs ou les adolescents.

Un escape game pour "aller chercher un nouveau public"

Les escape games cartonnent en France, et David Labrosse profite de ce succès pour prévenir des risques de troubles anxieux et dépressifs, ainsi que le développement du burn-out. Il a créé Tricky, le premier escape game lié à la santé. "Il s'agit de faciliter l'accès à la prévention, notamment pour les étudiants", explique le médecin. "On intègre dans l'escape game une méthodologie qui nous permet de diffuser des messages de prévention", poursuit-il. "La prévention est consommée par ceux qui en ont le moins besoin. L'idée, c'est d'aller chercher un nouveau public, en difficulté, qui n'est pas en priorisation de la prévention".

Cet outil ludique et positif repose sur une méthodologie qui permet de sensibiliser, notamment les jeunes, aux dangers et à l'auto-évaluation des troubles d'anxiété, ou dépressifs. La phase de jeu est suivie d'un "focus group" d'une heure, avec un professionnel de la santé, sur "l'après", c'est à dire "pourquoi et comment je consulte en cas de besoin". Plus de 2.000 étudiants ont déjà fait l'expérience de Tricky.

La musique pour réduire la prise de médicaments

Si la musique adoucit les mœurs, est-ce le moyen d’éviter ou de réduire la prise de médicaments ? C'est la conviction de Stéphane Guétin, invité lui aussi de la France bouge, lundi. Ce docteur en psychologie a crée le programme Music Care. Ce spécialiste de la musicothérapie a mis en place les premières études cliniques en France qui objectivent l'impact de la musique sur la santé, dans le traitement de la douleur ou de l'anxiété, par exemple. "On a observé grâce à des techniques d'imageries cérébrales comment le cerveau fonctionne en musique", explique Stéphane Guétin. "C'est un vrai feu d'artifice dans le cerveau", s'enthousiasme le chercheur, qui a aussi travaillé avec des mineurs incarcérés, avec qui il a enregistré un album. La musique stimule des neurotransmetteurs comme l'endorphine ou la dopamine, et permet ainsi une baisse des consommations médicamenteuse, jusqu'à 70%, se félicite le docteur.

Aujourd'hui plus de 300 hôpitaux utilisent la musicothérapie, dans certains services ou dans toutes les chambres, comme c'est le cas au Centre Hospitalier Territorial de Nouméa. "Quand un patient n'arrive pas à dormir par exemple, plutôt que de lui donner un médicament, on va lui mettre de la musique, et on s'aperçoit que dans 90% des cas, c'est efficace", assure Stéphane Guétin. Il rappelle que la fonction première de la musique est de créer du lien social : "La musique rapproche les gens. Le patient est souvent isolé à l'hôpital, et la musique permet de créer une relation d'écoute avec le soignant, et c'est le premier traitement de la douleur", explique le créateur de Music Care.