Comment traquer le mauvais sucre ?

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Le film "Sugarland", qui sort en salles mercredi, dénonce la présence massive (et souvent invisible) de sucre caché dans notre alimentation.

L’image la plus marquante est peut-être celle de ce supermarché lambda, vidé de 80% de ses rayons lorsqu’on enlève les produits contenant du sucre. Le film "Sugarland", qui sort dans les salles mercredi, ambitionne de mettre en lumière l’explosion exponentielle de la consommation de sucre (+46% dans le monde en 30 ans). Le film dénonce ainsi la présence massive des "sucres cachés", ces sucres que l’on imagine pas trouver dans certains aliments et qui font exploser notre taux de glucide sans que l’on s’en rende compte.

"Il ne s’agit pas de diaboliser le sucre", prévenait, en début de semaine, le médecin nutritionniste Arnaud Cocaul sur Europe 1. Et d’enchaîner : "le problème, ce sont les volumes. Les gens mangent des volumes disproportionnés. On a formaté le goût des nouvelles générations à aimer le sucre". Comme lui et à l’instar de Damon Gameau, l’acteur-réalisateur de "Sugarland", de nombreux nutritionnistes prennent la parole depuis quelque temps pour dénoncer la surconsommation de sucre, et sa sur-présence dans notre alimentation (réécouter notre émission du 18 janvier sur le "coup de gueule des nutritionnistes"). Mais comment s’y retrouver ? Le sucre se cache-t-il vraiment partout ? Tous les sucres se valent-ils ?

>> La BO du film "Sugarland"

Il y a le bon, et le mauvais sucre

Les glucides (nom scientifique des sucres) sont indispensables au fonctionnement de notre organisme, qu’ils fournissent en énergie. Mais tous ne se valent pas. Pour faire simple, dans vos assiettes, vous retrouverez des glucides complexes et des glucides simples. Les premiers sont constitués de plusieurs molécules, transformées en glucose (ce qui vous donne de l’énergie) au cours de la digestion. On en trouve dans le pain, les pâtes, le riz, les céréales, certains légumes frais ou encore les légumes secs et il n’existe pas de limite fixée à leur consommation, même s’il ne faut pas non plus en abuser.

Les seconds, les glucides simples, composés de glucose et de fructose (assimilé plus lentement par l’organisme) se retrouvent plutôt dans le sucre de table ou les fruits. Ce sont ces glucides simples qui, consommés à haute dose, peuvent être nocifs, provoquer du diabète, voire des maladies cardiovasculaires. Outre le sucre de table et les fruits, ces glucides simples se retrouvent massivement dans les sucres dits "libres", c’est-à-dire ajoutés dans vos plats ou ceux des industriels. Et à leur sujet, les autorités sanitaires recommandent une particulière modération. Selon l’Organisation mondiale de la santé, pour une consommation saine à 100%, il faudrait se limiter à 25 grammes par jour. Dépasser 50 grammes est déjà même considéré comme dangereux. Or, dans la plupart des pays, ce plafond est largement dépassé. En France, la consommation moyenne de ces sucres libres, ou ajoutés, s’élève à 70 grammes par personne.

Des sucres libres cachés où on ne les attend pas (forcément)

Il faut dire que ces sucres libres se cachent partout. Outre les traditionnels sodas, gâteaux, barres chocolatées et autres bonbons en tous genres, on en trouve dans de très nombreux plats pourtant présentés comme salés. Ainsi, dans un simple litre de velouté de légumes, on constate l’équivalent de trois morceaux de sucre, soit 15 grammes, soit plus de la moitié de la dose maximale recommandée. Vous pensiez les bâtonnets de surimi bons pour votre ligne ? Cinq bâtonnets représentent l’équivalent de trois grammes, soit 12% des recommandations de l’OMS. Un autre exemple ? Une "Grande box" de pâtes en sauce déjà préparée, censée nourrir une personne, contient 11 grammes de sucre, soit 44% des recommandations.

Plats préparés, sauces, jambon, merguez, pain de mie et même spaghettis… Les sucres ajoutés sont partout. Pour les industriels, ils sont un moyen de fidéliser le consommateur, le sucre rendant plus dépendant que le gras seul. "Cela change surtout le goût, la texture, cela nous renvoie à notre enfance. C’est un peu notre madeleine de Proust", résume le médecin nutritionniste Arnaud Cocaul. Le sucre réduit l’acidité, favorise la conservation, le tout à moindre frais. Résultat : presque aucun produit n’y échappe, même ceux donnant l’impression d’être sains. Les produits sans gluten, par exemple, sont parfois plus sucrés que la moyenne, la farine de riz possédant un indice glycémique plus important que celui de blé. Les jus de fruits et autres smoothies, pour la plupart, contiennent une dose de sept grammes de sucre pour 100 millilitres, et cela peut monter à près de 40 grammes dans certains cas. Les galettes de riz soufflé ? Elles contiennent plus de glucose que le sucre de table…

Comment s’y retrouver ?

Face à cela, le consommateur se trouve bien démuni. Certes, l’ajout de sucre ajouté est mentionné dans la plupart des produits. Mais pour en connaître la teneur, il faut se repérer dans la multitude des appellations pouvant désigner les sucres libres : glucose mais aussi sirop de fructose, dextrose, malto-dextrose, saccharose, galactose, maltose, sirop de Malte, mélasse, voire lactose (le lactose contient des glucides simples). Des glucides simples peuvent par ailleurs se cacher (certes de manière naturelle) dans le maïs, le riz soufflé, la canne, l’érable, l’agave ou le miel, qui peuvent parfois faire partie de la composition des aliments.

Le meilleur conseil donné par les nutritionnistes reste donc de privilégier les produits bruts, non transformés (même surgelé), et de faire la cuisine soi-même. Le tout en attendant la mise en place d’un étiquetage plus lisible pour le consommateur. "Nutri-score", le logo récemment validé par le gouvernement, aurait pu jouer ce rôle. Grâce à cinq couleurs, il permet d’évaluer la qualité nutritionnelle des aliments, teneur en sucre comprise. Mais il n’est pas obligatoire, et aucune enseigne ne compte le généraliser avant au moins 2019. En outre, comme nous l’expliquions dans notre article ici, il est accusé de ne pas tenir compte des sucres "cachés", non directement mentionnés dans les étiquettes. Résultat : 60% des plats préparés industriels des marques ayant adopté le code lors d’une expérimentation ont une bonne ou une très bonne note.