Un code couleur pour lutter contre la malbouffe. Mardi matin, la ministre de la Santé Agnès Buzyn, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert et le secrétaire d’Etat à l’Economie Benjamin Griveaux, étaient réunis pour signer un arrêté officialisant la mise en place de Nutri-score, un nouveau dispositif d’étiquetage nutritionnel facultatif qui apparaîtra sur les produits alimentaires des industriels et des supermarchés partenaires. Ce nouvel étiquetage doit permettre d’aiguiller le consommateur vers les produits les plus sains, mais il est encore loin de faire l’unanimité. Europe 1 vous fait les présentations.
En quoi cela va-t-il consister ? Il s’agit d’un code couleur élaboré par le Plan national nutrition santé (PNNS), suite à la loi Santé adoptée en 2015. Sur vos produits, vous trouverez ainsi un panel de couleurs allant du vert foncé au rouge, en passant par le vert clair, le jaune et l’orange. La couleur mise en avant donnera la qualité de votre produit. Concrètement, le vert foncé signifie que le produit peut être consommé sans modération, là où le rouge comporte des risques pour votre santé. Chaque couleur est accompagnée d’une lettre (A pour vert foncé, E, pour rouge), afin de rendre l’étiquetage encore plus lisible.
Le 24 novembre : @AgnesBuzyn rencontrera le commissaire européen @V_Andriukaitis afin de promouvoir le #NutriScore au niveau européen pic.twitter.com/aRxiNvfbnz
— MinSolidaritésSanté (@MinSoliSante) 31 octobre 2017
Pour chaque catégorie de produits alimentaires, le code est élaboré en fonction de quatre critères : la teneur en sel, en sucre, en mauvaise graisse et l’apport calorique. Objectif : permettre aux consommateurs de comprendre en un coup d’œil les informations nutritionnelles inscrites sur les produits.
Quand va-t-il apparaître dans les rayons ? Le dispositif était déjà testé depuis un an en même temps que trois autres dans une cinquantaine de grandes surfaces tirées au sort. C'est lui qui a été retenu par le comité de pilotage, sous l'égide du ministère de la Santé. Et avec ce nouvel arrêté signé mardi, il va pouvoir être utilisé par toutes les marques qui le souhaitent. Plusieurs d’entre-elles (Intermarché, Leclerc, Auchan, Fleury Michon et Mc Cain et Danone) se sont déjà engagées à mettre ces étiquettes de couleur sur certains de leurs produits. Cela devrait tout de même prendre quelques mois, voire années, avant de voir l’étiquetage apparaître massivement, le temps de faire expertiser tous les produits pour leur attribuer une note. Chez Auchan, par exemple, on s’engage à généraliser le dispositif d’ici 2019.
"L'émulation naturelle entre les marques aboutira à ce que ce logo soit promu et choisi par les industriels", assure la ministre Agnès Buzyn estimant qu'existe également un "vecteur de pression par le consommateur".
Est-ce que ça marche ? "C'est encore trop tôt pour dégager la moindre conclusion. Mais on peut espérer un effet dans les mois qui viennent", assure au micro d’Europe 1 Serge Hercberg, épidémiologiste qui a participé à l’élaboration du logo Nutri-score. Ce dernier l'assure : "Les consommateurs vont pouvoir jouer leur rôle. Lorsque des marques n'adhèrent pas à cet effort de transparence, les consommateurs pourront tirer la conclusion qu'il y a quelque chose à cacher". Selon lui, "il va y avoir une double détente. Cela va permettre d’informer le consommateur et de faire jouer la concurrence entre les marques", qui feront des efforts pour améliorer leurs produits.
" Même si le logo est vert, on ne peut pas consommer un produit autant que l’on veut "
Simple et élaboré scientifiquement, ce code couleur est réclamé de longues dates par les associations de consommateurs, à l’image de l’UFC Que choisir. L’association "se félicite de cette avancée significative et appelle maintenant les fabricants et distributeurs à adopter sans délai ce modèle". L’UFC Que choisir incite même les consommateurs à ne se baser que sur ce nouvel étiquetage, et à éviter certains "pièges" proposés par d’autres marques. "Certains industriels s’efforcent de développer un modèle en parallèle particulièrement complexe ou basé sur des tailles de portions irréalistes (Coca-cola, Nestlé, Mars, Mondelez, Pepsico et Unilever), initiative visant clairement à jeter le trouble dans l’esprit des consommateurs et contrecarrer l’appropriation du ‘Nutri-score’ par le plus grand nombre", avance l’association sur son site.
Un étiquetage trop simpliste ? Il n'y a pas que chez les industriels - qui s’inquiètent de la stigmatisation de leurs produits - que ce nouveau code couleur ne fait pas l’unanimité. En février dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) assurait dans un avis qu’il n’y avait "aucune preuve" de l’efficacité d’un tel étiquetage, tout en appelant à poursuivre les tests en la matière.
L’an dernier sur Europe 1, le médecin nutritionniste Patrick Serog émettait, lui, de véritables doutes, assurant que le code couleur pouvait induire en erreur : "Même si le logo est vert, on ne peut pas consommer un produit autant que l’on veut et aussi fréquemment que l’on veut car si vous consommez énormément d’un seul produit, cela peut provoquer des carences et des problèmes gastriques. Un surplus de fruits par exemple apporte trop de fibres et donc des douleurs au ventre".
Le Nutriscore promet d'être une belle connerie quand on voit un A sur de la merde industrielle contenant du nitrite de sodium + 3,5 g de sel pic.twitter.com/f79Luaop5W
— Jean Onche (@JeanOncheMuscle) 31 octobre 2017
En effet, en se basant uniquement sur ce code couleur, il semble difficile d’avoir une alimentation équilibrée. Selon un classement opéré par Le Monde à partir de la base de données publiques Open Food Facts, si 70% des fruits et légumes seront classés verts foncés, ce ne sera le cas que pour… 7% de la viande, des œufs et du poisson. "Seules trois catégories sur les dix (céréales et féculents, fruits et légumes et plats préparés) contiennent au moins une moitié de produits ayant eu une bonne note (A ou B)", indique Le Monde. Qui alerte également : "Le système Nutri-score note relativement bien les plats préparés (avec 60 % de notes A et B), alors que plus de la moitié d’entre eux contiennent des sucres cachés (des dérivés de sucre, comme les sirops de glucose ou de fructose, ndlr), […] qui n’apparaissent pas toujours clairement dans le système Nutri-score". Conclusion : si le code permet d’avoir un condensé d'informations en un rapide coup d’œil, il est toujours recommandé de regarder au dos de l’emballage, pour lire la composition du produit dans le détail.