Six morts liées "vraisemblablement" à la grippe : que s'est-il passé au centre de soins de La Chapelle-Saint-Mesmin ?

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avec Théo Maneval, à La Chapelle-Saint-Mesmin , modifié à
Quatre patients et deux membres du personnel d'un centre de soins de La Chapelle-Saint-Mesmin, dans le Loiret, sont morts ces dernières semaines.
ON DÉCRYPTE

Le bilan est très lourd : six personnes, quatre patients et deux membres du personnel d'un centre de soins de La Chapelle-Saint-Mesmin, dans le Loiret, sont morts. "On en est à six décès : trois résidents dans le courant du mois de janvier, un quatrième résident dont on a eu connaissance samedi matin et deux cette semaine parmi le personnel soignant", a expliqué dimanche à l'AFP un porte-parole de l'Agence régionale de santé (ARS) Centre/Val-de-Loire. Les questions autour de ce drame restent nombreuses, alors que l'établissement a été placé en quarantaine par les autorités sanitaires jusqu'à nouvel ordre.

À quoi sont dus les décès ?

"Il y a des éléments qui font vraisemblablement penser à un syndrome grippal mais on est en attente des résultats d'examen", a expliqué le porte-parole de l'ARS, dimanche. Les "deux personnes salariées du CRF (centre de réadaptation fonctionnelle et d'appareillage) des Coteaux à la Chapelle-Saint-Mesmin sont décédées le 24 janvier 2019 à leur domicile. Elles étaient en arrêt maladie pour 'syndrome grippal'", précise encore l'ARS.

À ce stade, un seul cas "avéré" de grippe a été établi parmi les six décès, a indiqué lundi l'Agence régionale de santé (ARS). Il s'agit d'une femme 85 ans, décédée samedi matin au CHR d'Orléans, a précisé l'ARS du Centre-Val de Loire. "On ne sait formellement pas si les trois autres décès (des résidents de plus de 90 ans, ndlr) sont liés à la grippe", a-t-elle précisé. Le fils de l'octogénaire décédée samedi, Benoît Desroche, a annoncé son intention de porter plainte. "Elle n'était pas vaccinée. Elle l'avait été les années précédentes mais pas cette année. Elle était malade depuis trois semaines et elle n'a été hospitalisée que 48 heures avant son décès. Si son cas avait été pris à temps, peut-être qu'elle serait toujours-là aujourd'hui", a-t-il déclaré.

Entrée de l'Ehpad touché par la grippe (960x640) GUILLAUME SOUVANT / AFP

Le centre de soins, situé dans une zone résidentielle cossue à cinq kilomètres du centre-ville d'Orléans, rassemble un Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), nommé Les Ombrages, ainsi qu'un centre de rééducation, nommé Le Coteau. Une affichette "accès interdit aux visiteurs, épidémie de grippe" a été placardée sur la porte d'entrée de l'Ehpad. "C'est fermé, on voit que les gens ont des masques mais on n'en sait pas plus. On attend, on croise les doigts et puis, voilà", a réagi, fataliste, au micro d'Europe 1 Patrice, venu rendre visite à sa mère dimanche.  

Quel était l'âge des victimes ?

Les sexes et les âges des victimes n'ont pas été communiqués - hormis pour la femme de 85 ans décédée -, mais l'ARS précisait que les trois résidents morts dans le courant du mois de janvier "avaient plus de 90 ans". Les deux membres du personnel étaient plus jeunes, mais leur âge n'a pas encore été révélé par les autorités.

Combien de personnes ont été touchées ?

L'Ugecam, qui gère l'établissement, a indiqué dimanche dans un communiqué que le foyer épidémique touchait "une vingtaine de personnes" dans l'ensemble du bâtiment. Il y a 78 résidents dans l'Ehpad et 81 patients dans le centre de rééducation. Par ailleurs, plusieurs dizaines de personnes travaillent dans ces deux établissements concomitants. En tout, ce sont près de 280 personnes qui auraient été confinées sur le site ces dernières heures. La directrice de la structure a précisé lundi que "96% des résidents sont vaccinés" mais qu'il n'y avait "pas d'obligation".

Les victimes avaient-elles été vaccinées contre la grippe ?

"Trois des résidents (décédés) avaient été vaccinés dans le cadre de la campagne de vaccination, le quatrième (une femme) n'ayant pas souhaité se faire vacciner", a précisé le communiqué de l'ARS. "Il faut comprendre que le vaccin ne protège pas à 100 % de la grippe. Pour les personnes très âgées qui ont un syndrome dit d’immunosénescence, un système immunitaire défaillant, le taux d’efficacité n’est que de 15 à 20 %.

Pour la population générale, cette efficacité n’est pas si mauvaise, aux alentours de 65-70 % pour le virus H1N1 qui est l’un de ceux (avec H3N2) qui circulent actuellement", explique dans Le Parisien Bruno Lina, directeur du Centre national de référence des virus à Lyon. "Il y a moins de morts chez les vaccinés que chez les non vaccinés." D'après les informations communiquées par l'ARS à Europe 1, l'un des deux membres du personnel mort chez lui n'était pas vacciné. Pour le second, l'information n'a pas encore été rendue publique. 

Quelles ont été les dispositions prises par l'établissement ?

Selon un communiqué de l'Assurance Maladie lundi, "la situation liée à l'épidémie de grippe au centre de rééducation le Coteau et l'Ehpad Les Ombrages (...) est en cours de stabilisation". La réouverture des deux établissements est envisagée jeudi. "Nous avons déjà pris, en coordination étroite avec l’Agence régionale de santé, un certain nombre de mesures adaptées à la situation", a expliqué la directrice générale de l'Ugecam Centre, Edwige Rivoire, au quotidien La République du centre, qui a révélé l'étendue du drame. Celle-ci a détaillé les mesures au micro d'Europe 1 : "traitement préventif contre la grippe administré par antiviral (le tamiflu, d'après les informations communiquées par l'ARS, ndlr), port de masque, usage très régulier de solution hydroalcoolique, mais aussi gestes de désinfection réguliers des locaux".

En revanche, Europe 1 a appris que, mercredi dernier, soit après le début de l'épidémie, un groupe d'une vingtaine d'enfants d'un centre aéré s'est rendu au centre de soins. "Je suis outrée parce que, quand l'Ehpad sait que la grippe circule, on n'y emmène pas les enfants", a critiqué une mère de famille à notre micro, lundi. La directrice de l'école a expliqué qu'au moment de la visite, mercredi, aucun décès n'avait encore été formellement lié à la grippe et que des dispositions avaient été prises lors de la visite afin d'éviter tout contact entre les enfants et les personnes malades. Par ailleurs, la mairie a pris contact avec les parents des enfants afin de les inviter à la vigilance dès vendredi soir, au lendemain du décès des deux membres du personnel.

Est-ce un drame exceptionnel ?

"Chaque année, on observe une bouffée épidémique dans les Ehpad qui marque les esprits", relève au micro d'Europe 1 Bruno Lina. "Ce serait bien qu'on se rappelle afin qu'on puisse intégrer le danger que représente ce virus de la grippe… Mais, cet hiver, on n'a pas des niveaux de mortalité, ou de passage en urgences plus importants que d'habitude. Ces phénomènes dans les Ehpad mettent en exergue le potentiel de dangerosité de la grippe."

En 2017-2018, la mortalité attribuable à la maladie a été évaluée à près de 13.000 décès en France, dont 85% chez les plus de 75 ans, par une étude parue en octobre dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). "L'épidémie de grippe est présente en France depuis trois semaines", a expliqué l'ARS vendredi. "Toutes les régions sauf la Normandie sont touchées. Les virus de type A étaient très majoritaires. Cette épidémie occasionne des cas graves et des décès, comme chaque année." Le pic de l'épidémie 2018-19 est attendu dans les prochaines semaines.