"Ventriloque", "pudeur de gazelles" et "additions" : ce qui restera du premier grand débat de la présidentielle 2017

© AFP avec Europe 1
  • Copié
, modifié à
La confrontation entre les cinq candidats à la présidentielle a donné lieu, lundi soir sur TF1, à des échanges musclés sur la laïcité, l’immigration, les affaires, ou encore les financements des campagnes.

Pendant de longues minutes, le débat de 3h23 entre les cinq principaux candidats à la présidentielle, diffusé lundi sur TF1, a été cordial, les participants évitant soigneusement de s’invectiver. Puis les échanges sont devenus plus musclés entre François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. L’immigration, la laïcité, les affaires bien sûr, les 35 heures ou encore le financements des campagnes électorales ont donné lieu à des attaques-ripostes impliquant parfois plusieurs d'entre eux.

1. Marine Le Pen isolée sur la laïcité

Les premières escarmouche, sur la laïcité, ont pour cible Marine Le Pen. La présidente du Front national annonce vouloir interdire les signes religieux en entreprise et plus largement tous les financements du culte par l’Etat. "Donc on abroge les Concordats [qui permettent une exception à la loi de 1905 en Alsace-Moselle pour ce qui concerne la chrétienté et le judaïsme ?]", interroge Jean-Luc Mélenchon. "Non, moi je ne le remets pas en cause", répond Marine Le Pen. "Ah oui, la laïcité comme ça vous arrange !", lance alors Benoît Hamon.

Mais l’échange le plus tendu a lieu avec Emmanuel Macron, resté en retrait jusqu’alors. La présidente du FN affirme que le candidat d’En Marche! est favorable aux burkinis. "Vous serez gentille, je ne vous fais pas parler, je n'ai pas besoin d'un ventriloque. Quand j'ai quelque chose à dire, je le dis clairement", s’emporte Emmanuel Macron. "Ça n’a rien à voir avec la laïcité, parce que c’est d’ordre cultuel. Le piège dans lequel vous être en train de tomber, c’est de diviser la société". 

2. Duel Le Pen-Mélenchon sur l’immigration

Sans surprise, l’immigration cristallise des tensions entre candidats, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en particulier. La présidente du Front national déroule son programme très radical en la matière. "Je veux arrêter l'immigration, c'est clair, légale et illégale", affirme-t-elle. "Oui il y a une immigration sanitaire, une immigration économique, un droit d'asile totalement dévoyé... Encore une fois le meilleur moyen de lancer le signal, un signal honnête, ‘nous ne pouvons plus vous accueillir’, c'est de couper toutes les pompes aspirantes de l'immigration, l'aide médicale d'Etat, l'accession au logement, etc.", détaille-t-elle.

"Vous croyez que les gens discutent de ça avant de partir?", l'interrompt Jean-Luc Mélenchon. "Mais bien sûr!", lui rétorque Marine Le Pen. "Bien sûr que non", insiste le candidat de La France insoumise. "Les gens ne partent pas en immigration par plaisir. C'est un exil forcé", poursuit-il. "A tout propos on agite des fantasmes et on propose toutes sortes d'épuisettes qui ont toutes des trous dedans", déplore l’eurodéputé.

3. Mélenchon tacle Fillon et Le Pen sur les affaires

La moralisation politique ne donnait lieu à aucune attaque, jusqu'à ce que Jean-Luc Mélenchon prenne la parole. "J'ai admiré vos pudeurs de gazelles. Quand vous dites que le débat a été pollué par les affaires de certains d'entre nous - pardon, pas moi! Ici, il n'y a que deux personnes qui sont concernées: M. Fillon et Mme Le Pen. Nous n'avons rien à voir avec tout ça, alors s'il vous plaît ne nous mettez pas dans le même sac", ajoute-t-il. "Franchement, ça pourrait venir", réplique la présidente du Front national, avant de comparer Jean-Luc Mélenchon à Robespierre.

Marine Le Pen, loin de se démonter, s'en prend alors - sans le nommer - à Emmanuel Macron. "Cette campagne présidentielle a un avantage : elle fait découvrir aux Français qu'il y a des candidats qui défendent des intérêts privés, des intérêts de grands groupes. Il y a quelque chose qui me choque, c'est le pantouflage. On est formés dans de grandes écoles de la République, on devient fonctionnaire, puis on devient banquier, puis on redevient politique", lâche-t-elle. "Je crois que c'est encore pour moi. En même temps, vous vous ennuieriez si je n'étais pas là", répond d'abord l’ancien ministre de l’Economie avec humour.

[EN BONUS] 

"Avec monsieur Hamon, c'est 32 heures, le revenu universel, dans un pays qui a 2.200 milliards de dettes. Enfin, voilà, on rêve, on rêve, on rêve, on rêve", lance François Fillon.

Réponse de Benoît Hamon : "Avec vous, c'est 500.000 fonctionnaires en moins. Vous êtes très fort en soustraction, un peu moins en addition quand il s'agit de votre propre argent."

4. Hamon tacle Macron sur le financement de sa campagne

Cette réponse, Emmanuel Macron aurait pu l’adresser à Benoît Hamon, qui a lui aussi laissé entendre que parmi les donateurs de la campagne de son adversaire figuraient des membres de sociétés qui pourraient, si l’ex-ministre de l’Economie était élu, réclamer des renvois d’ascenseur. "Je tiens à ce que sur la moralisation de la vie publique, nous soyons intransigeants sur le poids des lobbies et de l'argent. La clarté avec laquelle nous montrerons que nous n'avons pas de dons de gens appartenant à des grands groupes, qui ne peuvent pas nous lier pour demain", lance Benoît Hamon.

"Je pense que c’est pour moi. Je me permets d’intervenir", répond ironiquement Emmanuel Macron. "Je n’aime pas les insinuations, je préfère être direct. Comment ma campagne est financée ? Par des dons de personne physique. Entre 1 et 7.500 euros. Aucune entreprise, aucun lobby n’en font partie. Ce sont plus de 32.000 personnes qui ont donné. Le don moyen, c’est 50 euros. N’insultez pas ces hommes et ces femmes", riposte l’ex-ministre.

 "Je vous fais confiance. Mais pouvez-vous prendre l’engagement que parmi ces personnes les plus fortunées qui ont fait des dons, il n’y a pas plusieurs cadres de l’industrie pharmaceutique, de l’industrie pétrolière, de l’industrie bancaire", l’interroge alors Benoît Hamon. "Je prends l’engagement de n’être tenu par personne. L’engagement solennel. Je suis libre, le financement est transparent", rétorque Emmanuel Macron. 

Un échange conclu par une petite phrase de Jean-Luc Mélenchon qui fait son petit effet provoquant les rires parmi les candidats : "Il faut bien qu'il y ait un débat au PS".

5. Et en bonus  

Quand Mélenchon et Le Pen tombent d’accord (sur un sujet au moins). Alors que le pouvoir d’achat est au centre des discussions, la présidente du Front national promet de revaloriser l’allocation adulte handicapé de 20%. "1.000 euros ? ", le coupe son adversaire. "1.000 euros, nous sommes d’accord", a répondu la candidate. 

Macron : "Bienvenue M. Mélenchon". Après avoir écouté pendant plusieurs minutes ses concurrents sur leurs mesures économiques, Marine Le Pen lance : "Je ne voulais pas intervenir dans ce débat d'ultralibéraux". Jean-Luc Mélenchon prend alors la mouche : "comme ultra-libéral, on fait mieux que moi". Emmanuel Macron s'en amuse : "Bienvenue M. Mélenchon".