Trois questions sur le déplacement ministériel de Macron à Las Vegas

L'enquête ouverte mardi ne vise pour l'instant pas directement Emmanuel Macron.
L'enquête ouverte mardi ne vise pour l'instant pas directement Emmanuel Macron. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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M.L avec AFP
Le parquet a ouvert une enquête sur une soirée organisée en janvier 2016 sans appel d'offre, où Emmanuel Macron avait été ovationné. L'ex-ministre n'est pas directement visé.

Une semaine après les révélations du Canard Enchaîné sur la "French Tech Night", organisée en 2016 à Las Vegas, la justice s'est saisie du dossier, mardi. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme, complicité et recel de favoritisme à propos de cette soirée à laquelle a assisté Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie et désormais candidat à l'élection présidentielle. Une mauvaise nouvelle pour l'un des favoris du scrutin, déjà visé par des soupçons de manquements à ses obligations déclaratives ? Pas si sûr.

Que s'est-il passé le 13 janvier 2016 ?

Présent à Las Vegas pour le Consumer Electronics Show (CES), un salon mondial de l'électronique et de la technologie, Emmanuel Macron a été ovationné par plus de 500 personnalités et dirigeants de start-ups françaises au cours d'une soirée, baptisée "French Tech Night". Selon le Canard Enchaîné, "cette opération de séduction" a été "montée dans l'urgence, à la demande expresse du cabinet du ministre". Business France, organisme dépendant de Bercy et chargé d'accompagner le développement international des entreprises françaises, en a confié l'organisation au géant Havas. L'hebdomadaire satirique chiffre le coût de la soirée à 381.759 euros, "dont 100.000 rien que pour l'hôtel, où la moindre chambre était facturée plus de 300 euros la nuit". Étaient notamment présents Pierre Gattaz, patron du Medef, Frédéric Lefebvre, député des Français de l'étranger, et Henry Seydoux, président de Parrot, rapporte Le Point.

En quoi consiste le délit de favoritisme ?

Problème : aucun appel d'offre n'a été lancé avant que l'organisation de cette soirée ne soit confiée à Havas. Le 8 mars, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) soupçonnait ainsi des dysfonctionnements dans le montage de l'opération, qui pourrait relever du délit de favoritisme. Ce dernier vise le fait, pour "une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public" de "procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage injustifié", contraire à "la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public", d'après le code pénal. L'enquête ouverte mardi fait directement suite au rapport de l'IGF, commandé par l'actuel ministre de l'Économie, Michel Sapin.

Pourquoi n'est-ce pas une "affaire Macron" (pour l'instant) ?

Mais dès la révélation de l'information par le Canard Enchaîné,Michel Sapin lui-même s'est empressé de dédouaner son prédécesseur, le jugeant "totalement hors de cause" dans cette affaire, au même titre que son cabinet et le ministère. "C'est un dysfonctionnement de Business France", a-t-il alors ajouté. Depuis, l'organisme a lui-même reconnu sa responsabilité : "Il est apparu ultérieurement que, au vu des délais, le choix d'un prestataire capable de prendre en charge l'organisation de l'événement aux US et les actions de communication associées (...) avait été fait selon une procédure pouvant potentiellement être affectée d'irrégularité", a-t-il expliqué dans un communiqué. L'agence a "suspendu le règlement des prestations" et fait réaliser un audit sur le sujet.

"Ce n'est en aucun cas une affaire Macron. C'est une affaire Business France", martelait mardi l'entourage du candidat d'En Marche!, dont plusieurs proches à Bercy étaient des anciens salariés d'Havas. Le déroulé de la procédure lui donne pour l'instant raison : si les soupçons pesaient directement sur ses épaules, le dossier aurait été confié à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), chargée de juger les membres d'un gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. Dans un communiqué publié mardi, En Marche! indique que le mouvement "n'hésitera pas à engager des actions judiciaires contre toute personne insinuant qu'Emmanuel Macron pourrait avoir une responsabilité personnelle quelconque dans les décisions ayant approuvé cette commande".