Révision de la Constitution : Hollande embarrasse la droite

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Le président de la République souhaite créer "un régime civil d'état de crise". La droite n’est pas franchement emballée, mais elle doit se positionner. Pas forcément évident. 

Qu’il est délicat, l’art de la politique. Alors que la France est encore sous le choc des attentats de vendredi soir à Paris, l’heure est venue de répondre au discours de François Hollande lundi devant le Congrès, sans sembler tomber dans la politique politicienne. Le président de la République a proposé de modifier la Constitution afin d’introduire "un régime civil d'état de crise", qui va au-delà de l’état d’urgence mais ne nécessiterait pas de recourir aux articles 16 et 36 de la Constitution, qui pour l’un confère les pleins pouvoirs et pour l’autre transfère certains pouvoir à l’armée. Pour cela, il doit bénéficier du soutien de trois cinquièmes des parlementaires. Et ce n’est pas gagné.

Mais en fin politique, François Hollande a surtout placé l’opposition face à ses responsabilités. S’il parvient à faire adopter sa réforme constitutionnelle, il remportera une incontestable victoire politique. S’il échoue, il pourra en rejeter la faute sur ses adversaires. Au lendemain de la réunion du Congrès, nombreux sont ceux qui ne savent pas sur quel pied danser. Tour d’horizon.

Une idée reprise à Edouard Balladur. C’est sans aucun doute pour Les Républicains que l’épine dans le pied est la plus douloureuse. Car cette idée du régime d’état civil de crise n’est en fait pas neuve. Elle faisait partie des propositions née d’un comité nommé en 2007 par Nicolas Sarkozy sur l’évolution des institutions, comité présidé par un certain Edouard Balladur. Or, l’homme est le parrain politique de Nicolas Sarkozy. Difficile donc de critiquer la proposition de l’un, François Hollande, sans critiquer l’autre, Edouard Balladur. Pour l’heure, la droite a accordé ses violons. En mode : "est-ce bien nécessaire ?", tout en évitant d’évoquer la fameuse proposition balladurienne.

Pas opposé "par principe", mais… Christian Jacob a donné le ton dès lundi, à la tribune du Congrès : "rien à ce stade ne semble justifier" une révision, a lancé le président du groupe LR à l’Assemblée. "La priorité aujourd'hui n'est pas de réformer la Constitution, c'est de construire immédiatement un bouclier de sécurité pour la protection des Français", a abondé Valérie Pécresse dans Le Figaro de mardi. "Nous avons un doute sur l'utilité de la réforme de la Constitution dans ces circonstances", a insisté Jean-Pierre Raffarin, ex-Premier ministre, sur RTL. On a connu l’opposition plus tranchée face à une proposition de François Hollande.

Nicolas Sarkozy lui-même est dans l’expectative. Mardi, devant les députés de son camp, l’ancien chef de l’Etat a affirmé qu’il n’était pas opposé "par principe" à la révision constitutionnelle. "La réforme constitutionnelle est totalement périphérique par rapport à la sécurité, elle n'est qu'un moyen, nous la jugerons en fonction des propositions", a-t-il développé. La porte n’est pas fermée, donc.

H Face à ses hésitations, la majorité ne s’est pas privée de mettre un peu plus de pression sur l’adversaire. "Je ne peux pas penser un seul instant qu'après de tels événements des logiques politiciennes l'emportent", s’est ému Manuel Valls mardi sur France Inter. "Je souhaite bien entendu que la tactique ou les réflexes partisans ne bloquent pas cette évolution", a pour sa part déclaré Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée, devant ses troupes. "Beaucoup de responsables de l'opposition ont exprimé leur ouverture, et je forme le voeu qu'ils l'emportent avec nous sur l'esprit de sectarisme." Quatre jours après les attentats, la politique a bel et bien repris ses droits.