À quoi va servir le comité interministériel de la laïcité, qui remplace l'Observatoire ?

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Louis de Raguenel, avec AFP, édité par Mathilde Durand
Le premier comité interministériel de la laïcité est lancé ce jeudi, par Jean Castex, accompagné de plusieurs ministres. Un plan de 17 mesures devrait être entériné. Il remplace l'Observatoire de la laïcité, une instance consultative supprimée par décret. Accusé par certains de "laxisme", Jean-Louis Bianco, son ex-président, se défend sur Europe 1.
DÉCRYPTAGE

Jeudi matin, le Premier ministre Jean Castex a installé le premier comité interministériel de la laïcité, qui entérinera un plan d'action en 17 mesures, allant de la formation de tous les agents publics au suivi du déploiement de "référents laïcité" dans les administrations. L'ambition du gouvernement est double : faire travailler tous les ministères ensemble pour promouvoir la laïcité et mettre en application le projet de loi contre les séparatismes. Le gouvernement entend cibler des secteurs spécifiques : le monde du sport, l'Education nationale ou encore la santé.

A quoi va servir le comité de la laïcité ? 

Concrètement, le concept de laïcité sera élargi à tous les organismes chargés d'une mission de service public : les offices HLM, les chambres de commerce mais aussi les Caisses d'allocation familiale, pôle emploi ou encore les piscines privées recevant du public scolaire. Au sein de toutes les administrations, seront déployés, à partir de 2022, des "référents laïcité" voués à "accompagner les agents qui sont dans des situations d'isolement" ou d'interrogation, explique le ministère de la Fonction publique, en précisant que le réseau serait animé par l'Intérieur. De même, des sous-préfets seront désignés dans chaque département pour "animer les politiques locales autour de la laïcité", ajoute le ministère de l'Intérieur.

Parmi les mesures du plan, qui doivent encore être votées dans un projet de loi en cours d'adoption par le Parlement, est prévue l'extension du principe de neutralité religieuse aux organismes ou entreprises délégataires de service public, comme les transports par exemple. Sera également crée un "déféré laïcité", qui permet aux préfets de saisir le juge administratif face à un acte d'une collectivité locale qu'ils estiment contraire aux principes de laïcité, comme par exemple l'instauration d'horaires différenciés selon les genres dans les piscines. Autre exemple : si un préfet constate des repas communautaires dans une école publique, il aura la possibilité de saisir le juge administratif qui devra rendre une décision dans un délai de deux jours.

L'Observatoire de la laïcité se défend

Ce premier comité interministériel, réunissant une dizaine de membres du gouvernement, marque le remplacement effectif de l'Observatoire de la laïcité, une instance consultative supprimée par décret il y a un mois après avoir été accusée par certains politiques de laxisme vis-à-vis de l'islamisme, ce dont se sont toujours défendus ses responsables. Sur Europe 1, Jean-Louis Bianco, ancien directeur, dénonce d'ailleurs une "accusation choquante, scandaleuse, non fondée".

"Nous avons travaillé pendant huit ans avec des gens qui sont à la fois des élus, des spécialistes des questions de laïcité et de gestion du fait religieux et des représentants des administrations. Et notre mission, c'est la laïcité. Ce n'est pas que l'islamisme radical", rappelle-t-il. "Mais nous avons dit dès le premier rapport qu'il y avait un danger parce que des gens ont voulu porter le fer contre la République. Nous avons demandé que des mesures soient prises pour que les procureurs, chaque fois qu'on ne respecte pas l'égalité entre les hommes et les femmes ou les lois de la République, agissent : qu'ils déclenchent une instruction et portent plainte."

"Nous ne sommes pas la DGSI, nous ne sommes pas les services secrets, nous ne sommes pas le ministère de l'Intérieur et nous ne sommes pas les préfectures", poursuit-il, défendant un travail autour de la "laïcité du quotidien" et pas la "laïcité des tribunes, de prétoire, de grandes déclarations".

Jean-Louis Bianco dénonce une "fausse annonce"

Dans la feuille de route qui sera validée jeudi figurent d'ailleurs des mesures déjà connues, comme la formation de tous les agents des trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale, hospitalière) aux principes de laïcité, d'ici 2025.  "Nous avons demandé depuis 2015 qu'il y ait la formation des agents publics et des fonctionnaires à la laïcité", rappelle Jean-Louis Bianco, taclant une "fausse annonce". "Nous sommes parfaitement conscients du danger", assure-t-il, réfutant les accusations d'angélisme. "Simplement, il faut le traiter avec les moyens du droit et avec exactitude."

Jean-Louis Bianco dénonce encore des mesures de "contrôle" qui omettent tout un pan du concept de laïcité. "La laïcité est un formidable bouclier si l'on s'en sert bien, avec intelligence, avec fermeté, avec sérénité. Mais c'est aussi un outil pour faire des choses en commun. Ce n'est pas que répressif, ce n'est pas que le contrôle, c'est apprendre à vivre ensemble avec nos différences et respecter la liberté des autres, c'est respecter les règles communes", explique-t-il.

L'Observatoire de la laïcité a été défendu par plusieurs élus et personnalités, via notamment des tribunes. Sans succès. Pour ces derniers, l'institution a été victime de "courants identitaires". "De ceux qui ont l'air de considérer, et qui le disent parfois pour les plus extrêmes d'entre eux, que nous sommes tous des descendants d'hommes gaulois blonds, catholiques, chrétiens", souligne-t-il. "La France est diverse et elle est la chance de cette diversité. Encore faut il se donner les moyens de l'intégration : que les gens le veuillent et qu'on leur donne les moyens de s'insérer, de s'habituer, de comprendre, de partager."