Prêt russe au RN : Marine Le Pen dément toute contrepartie politique pour Poutine

Marine Le Pen
Marine Le Pen s'est défendue mercredi à l'Assemblée nationale de tout "tropisme russe" © Christophe ARCHAMBAULT / AFP
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avec AFP / Crédits photo : Christophe ARCHAMBAULT / AFP
La cheffe de file du groupe Rassemblement national au Palais Bourbon s'est défendue de tout "tropisme russe" lors de son audition de quatre heures par la commission d'enquête parlementaire sur les ingérences étrangères. Au centre des discussions, un prêt de 9,4 millions d'euros contracté auprès d'une banque tchéco-russe par le RN.

Marine Le Pen s'est défendue mercredi à l'Assemblée nationale de tout "tropisme russe", assurant qu'elle n'aurait jamais signé le prêt contracté en Russie par son parti si cela l'avait engagée à "quoi que ce soit" avec Vladimir Poutine.  L'ancienne présidente du Rassemblement national (RN) a été entendue pendant près de quatre heures par la commission d'enquête parlementaire sur les ingérences étrangères. Au centre des discussions, un prêt de 9,4 millions d'euros contracté auprès d'une banque tchéco-russe en 2014 par l'ex-FN, alors dirigé par Marine Le Pen. 

A-t-il donné lieu à des pressions ou des contreparties politiques ? "Si cela m'avait engagée à quoi que ce soit, je n'aurais pas signé", a affirmé la cheffe de file du RN, jurant n'avoir "rien à (se) reprocher dans cette affaire" et faisant état d'un prêt "parfaitement légal, parfaitement vérifié". 

 

Elle interdira aux formations politiques les prêts étrangers

Elle a assuré que, si elle est élue en 2027, elle interdira aux formations politiques les prêts étrangers. Elle a aussi promis la création d'une "banque de la démocratie" pour aider les partis à financer leurs campagnes électorales, une idée récurrente, y compris dans la majorité, mais à laquelle Emmanuel Macron n'a jamais donné suite. La triple candidate malheureuse à la présidentielle s'est attardée sur la situation financière critique à laquelle son parti faisait face à l'époque, autant que sur ses difficultés à trouver un créancier européen.

Début mai, devant la même commission d'enquête, l'ancien eurodéputé FN Jean-Luc Schaffhauser avait expliqué avoir été chargé par Marine Le Pen de trouver des fonds : "Nous ne pouvions trouver que du côté chinois, de l'Iran, ou la Russie", avait-il raconté. "Marine Le Pen avait considéré que la Russie était ce qu'il y a de mieux". "C'était ça ou la mort" du parti, a confirmé mercredi la leader d'extrême droite.  Vladimir Poutine était-il informé de la négociation ? "Il est évident que si le pouvoir en place était contre, l'affaire ne se serait pas faite", avait relevé Jean-Luc Schaffhauser. "Moi, je signe un prêt avec une banque, je ne signe pas un prêt avec Vladimir Poutine", lui a indirectement répondu Marine Le Pen.

"La Crimée a été russe pendant deux siècles"

La transaction pourrait-elle toutefois expliquer le soutien des dirigeants frontistes à la Russie après l'invasion de la Crimée, interroge la commission. "La Crimée a été russe pendant deux siècles, elle a été ukrainienne pendant soixante ans", leur a répondu Marine Le Pen, assurant que "l'arrivée ou non d'un prêt n'a pas changé d’un iota les opinions qui étaient les nôtres depuis toujours". Quid du soutien au référendum de 2014, dont la sincérité a été contestée par l'ensemble des observateurs internationaux ? "Je note qu'il n'y a eu aucun réfugié de Crimée", a ironisé Marine Le Pen. "Il était parfaitement loisible aux instances internationales d'en réorganiser un nouveau (...) pour vérifier que les gens avaient librement voté".

Les déplacements de certains élus RN sur place pour appuyer les positions russes? "Chaque eurodéputé est libre". L'opposition de Marine Le Pen aux sanctions prises par la France et l'Union européenne contre la Russie après l'annexion de la Crimée ? "J'avais la même position que Les Républicains", a-t-elle balayé. "Je conteste formellement avoir pris quelque décision que ce soit pour faire plaisir à quiconque", a résumé la fille de Jean-Marie Le Pen, relevant que "la seule obligation qu'on a quand on fait un prêt, c'est de le rembourser".

Le rachat du prêt

Reste que l'affaire a pris un tour rocambolesque lorsque la banque a fait faillite, ses créances étant alors rachetées en cascade par différentes sociétés. La dernière, à qui le RN continue de rembourser sa dette, est réputée aussi sulfureuse que proche du Kremlin. "Je n'ai aucune responsabilité dans la structure qui rachète les créances", s'est défendue Marine Le Pen. "Si ç'avait été La Redoute qui avait racheté, c'aurait été pour moi le même niveau d'obligation : rembourser mon prêt".

Sous le feu des questions des députés de la majorité et des oppositions, celle qui avait été reçue au Kremlin quelques jours avant l'élection présidentielle de 2017 a assuré n'avoir "jamais eu" de conversation sur ce prêt et son rachat avec Vladimir Poutine. "Jamais! Ni avec les personnalités politiques que j'ai rencontrées, à la Douma ou ailleurs". La commission d'enquête a été lancée par le groupe RN à l'Assemblée fin 2022, précisément pour tenter de couper court aux accusations faisant du parti d'extrême droite un agent de l'influence russe en France. Les autres camps dénoncent une "diversion" du Rassemblement national. Ses conclusions doivent être rendues début juin.