Présidentielle : Macron obligé de réorienter sa campagne

  • Copié
Nicolas Beytout , modifié à
Ce jeudi après-midi, Emmanuel Macron va dévoiler son programme lors d'une conférence de presse. Nicolas Beytout a choisi de revenir sur cette première pour le président-candidat, obligé de réorienter sa campagne et de ne plus se reposer sur son seul personnage de chef de guerre, quatre semaines tout pile après le début de l'invasion russe en Ukraine. 
EDITO

Emmanuel Macron dévoile ce jeudi après-midi son programme pour l'élection présidentielle, au cours d’une conférence de presse, la première en tant que candidat. Ce matin, l'éditorialiste politique Nicolas Beytout revient sur cette prise de parole à venir et sur la direction que prend la campagne de l'actuel chef de l'État.

"À 24 jours de l’élection, il s'agit en effet d'un tournant. Un tournant dans la campagne puisque, lui, tenant du titre, met sur la table un ensemble de propositions qui ne manqueront donc pas de faire naître (enfin) le débat. Et puis c’est un tournant dans sa campagne puisque le candidat-président avait plutôt organisé jusque-là une absence de contact avec les journalistes, qui allait de pair avec une absence de débats avec ses adversaires politiques. Une position qui avait fini par devenir intenable, sous les coups de boutoirs des oppositions de gauche et de droite qui lui reprochaient de fuir la controverse, de ne pas assumer son bilan, bref de ne pas jouer le jeu de la démocratie. Et cette petite musique commençait à prendre dans l’opinion publique.

Corriger les petits dysfonctionnements

Est-ce donc ça qu'Emmanuel Macron veut corriger en se soumettant aux questions des journalistes ? Ça, et aussi d’autres petits dysfonctionnements qui, à force, ont fini par donner un sentiment mitigé sur son début de campagne. Je résume : en quinze jours, une lettre à tous les Français dont le contenu ne disait à peu près que des banalités, une simili-série façon Netflix, censée faire moderne, mais dont le deuxième épisode est déjà ennuyeux, une première réunion publique au cordeau à Poissy dont il ressortait un sentiment d’entre soi, un rappel à l’ordre de la Commission nationale de contrôle de l’élection présidentielle (CNCCEP) qui a demandé à Emmanuel Macron d’arrêter d’utiliser le compte Twitter de la Présidence de la République pour diffuser "des messages se rattachant à la propagande électorale" du candidat. Et puis, une émission sur TF1, dont le format avait été assez largement pensé en fonction des exigences de l’Élysée, mais dont il n’est pas ressorti gagnant.

Et lorsque le favori ne l’emporte pas, le sentiment d’échec devient plus palpable. Et on se dit que, avec les moyens qui sont ceux de La République en Marche, avec le temps que les équipes ont eu pour préparer ce que tout le monde savait devoir advenir, le résultat est pour l’instant assez moyen. Alors attention, rien de tout ça n’est déterminant, et le candidat Macron reste très solidement installé en tête de tous les sondages. Mais on voit depuis mercredi qu’après une montée en flèche au début de la guerre, les courbes se tassent ou s’inversent doucement dans plusieurs études d’opinion.

L'effet de sidération de la guerre ne commence-t-il pas un peu à se dissiper ?

Ça doit jouer, en effet. C’est un clignotant qui s’ajoute à tous les petits signaux qui disent au Président sortant : vous ne pouvez pas vous reposer sur votre seul personnage de chef de guerre ; vous ne pouvez pas donner l’image de quelqu’un qui refuse la confrontation des idées ou le questionnement des médias. D’où l’échange avec les journalistes qui suivra immédiatement le dévoilement de son programme : aussitôt publié, aussitôt questionné.

Et pendant ce temps, le gouvernement déroule son plan de résilience pour atténuer les effets de la guerre sur l’économie. Dans un jeu de rôle parfait entre l’Élysée et Matignon qui aligne les promesses de revalorisation des traitements des fonctionnaires, les milliards d’euros d’aides, les blocages des prix de l’énergie, le dispositif de chômage partiel, le soutien aux professions les plus fragilisées. Tout ça est très bien fait : au gouvernement la gestion courante de la crise et l’annonce de mesures d’aides qui ne peuvent qu’être favorables à la cote du locataire de l’Élysée. Et le candidat engrange.

C’est pour cette raison qu’il fallait vite corriger cette impression d’enfermement du candidat dans son personnage de Président, et le faire redescendre dans la vie normale, celle qu’il ne peut plus connaître depuis son accession à l’Élysée, celle d’un candidat parmi onze autres, égaux en droits et en devoirs. Autant que possible."