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Mélina Facchin, Frédéric Michel et Maximilien Carlier, édité par Gauthier Delomez , modifié à
Si Emmanuel Macron a été réélu avec 58% des voix, sa victoire dimanche soir dessine un pays fracturé, entre les classes aisées et les classes les plus populaires. Europe 1 est allée à la rencontre d'électeurs de Marine Le Pen dans le nord, l'est et le sud de la France, pour comprendre les raisons d'un choix partagé par plus de 13 millions de Français.
REPORTAGE

La pilule est dure à avaler pour les quelque 13 millions de Français qui ont choisi Marine Le Pen dimanche. Le président sortant Emmanuel Macron a été réélu avec 58% des voix, mais les résultats détaillés donnent l'image d'un pays fracturé entre France des villes et France des champs. Sur les 35.000 communes, 18.100 ont placé la candidate du Rassemblement national en tête au second tour de la présidentielle. Europe 1 a rencontré des électeurs déçus par le verdict des urnes dans trois régions de France.

C'est le cas dans le village de Garrebourg, situé en Moselle. Alors que la région Grand Est a majoritairement voté pour Emmanuel Macron, Marine Le Pen est arrivée en tête avec sept points de plus qu'en 2017 dans cette commune de 500 habitants à la limite du Bas-Rhin.

La crainte d'une retraite à 65 ans

La candidate RN a notamment su convaincre sur la question des retraites, comme Adeline, mère célibataire de deux enfants qui voulait faire barrage au candidat de LREM. "On est déjà fatigués à une trentaine d’années quand on est seul avec des enfants et qu’on doit travailler donc forcément on se dit : dans quel état on va finir à 65 ans ?", s'interroge-t-elle au micro d'Europe 1, et poursuit : "J’ai beaucoup de personnes de ma famille qui, à cet âge-là, décèdent d’un cancer ou d’autres maladies."

Une affirmation que confirme Régine, une aide à domicile de 56 ans, éreintée par son travail. "J'ai eu deux cancers, mon genou est mort. Donc je veux bien encore travailler jusqu'à 60 ans, mais au-delà, je ne pourrai pas. Macron, c’est un banquier, il n’est pas pour les gens comme nous, les pauvres", lance-t-elle. Comme Régine, 26 personnes de plus qu’en 2017 ont voté Marine Le Pen dans le village, où la candidate a obtenu 70% des voix dimanche.

"Il y a trop d'avantages pour les gens qui viennent d'ailleurs"

Marine Le Pen a également été plébiscitée dans la ville de Trans-en-Provence, dans le Var, où elle a obtenu 62% des suffrages. Dans cette commune de Provence-Alpes-Côte d'Azur, c'est le sujet de l'immigration qui a fait pencher la balance.

Comme Jean-Jacques, jeune retraité après une quarantaine d'années passées dans l'armée. "Quand on entend plein de Français qui ont travaillé pendant 40 ans et qui, à la retraite, n'ont même pas 1.000 euros pour vivre, et que de l'autre côté, on entend tous les jours des gens qui arrivent de l'étranger, et qu'ils ont droit à ça ou ça. Ils touchent beaucoup plus que ceux qui travaillent au Smic", rage-t-il sur Europe 1.

Un peu plus loin, Suzanne aussi met la faute sur l'immigration. Elle accompagne des enfants handicapés en milieu scolaire et a voté pour la députée du Pas-de-Calais au second tour. "Il y a des choses qui ne vont pas bien. On fait du bénévolat pour les Restos du Cœur et je voyais des familles avec sept enfants et nous que deux", indique-t-elle, en rejetant toute forme de racisme. "Il y a trop d'avantages pour les gens qui viennent d'ailleurs", ajoute-t-elle. Dans cette ville du PACA, région qui a voté massivement pour Marine Le Pen, la candidate RN a recueilli 400 électeurs supplémentaires par rapport à 2017.

Dans le Pas-de-Calais, la difficulté de la vie chère

Autre territoire où Marine Le Pen a réalisé ses meilleurs scores : le Pas-de-Calais, dans un département où elle va briguer un nouveau mandat de députée. À Bruay-la-Buissière, la finaliste de la présidentielle 2022 a récolté près de 70% des voix, et ce sont ses mesures en faveur du pouvoir d'achat qui ont plu à nombre d'habitants.

À la sortie du supermarché de la ville, Didier par exemple regrette que dans son caddie quasiment vide, il n'y ait "presque rien et il y en a bientôt pour 40 euros. Les fins de mois sont infernales maintenant. Macron, il promet, mais il ne tient pas ses promesses", souffle-t-il au micro d'Europe 1, raillant un "président des riches".

Macron attendu au tournant

Rencontrée quelques mètres plus loin, Arlette a également voté pour Marine Le Pen, et dit très inquiète de la réélection du chef de l'État. "J'ai l'impression que ça ne va pas changer sur le pouvoir d'achat", évoque-t-elle. "Je regarde pour manger, je ne mange pas de bifteck, rien du tout. Souvent, je mange des œufs. Je ne peux même plus faire de repas avec mes enfants parce que la vie est trop dure, ce n'est pas évident", raconte cette habitante de Bruay-la-Buissière qui se sent oubliée par le pouvoir, et se dit prête à voter RN aux élections législatives.

Au total, les Français rencontrés par Europe 1 et qui ont glissé un bulletin Marine Le Pen dimanche ont partagé une préoccupation majeure pour la retraite, l'immigration et le pouvoir d'achat. Autant de sujets pour lesquels Emmanuel Macron sera attendu au tournant au cours de son second quinquennat.