Philippe face à Wauquiez dans "L'Émission politique" : pourquoi ils ne s'aiment pas

Édouard Philippe sera opposé à Laurent Wauquiez, jeudi soir, sur France 2.
Édouard Philippe sera opposé à Laurent Wauquiez, jeudi soir, sur France 2. © BERTRAND GUAY / PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Thibaud Le Meneec
Édouard Philippe sera face à Laurent Wauquiez lors de "L'Émission politique" sur France 2, jeudi soir. Entre les deux hommes de droite, les points communs sont aussi rares que l'inimitié est tenace.
ON DÉCRYPTE

L'un ne passe pas une semaine sans faire de boxe à Matignon, l'autre a fait de la course à pied en Haute-Loire l'un de ses passe-temps favoris. Mais jeudi soir, c'est bien dans l'arène de L'Émission Politique qu'Édouard Philippe et Laurent Wauquiez vont croiser le fer sur France 2, à 21 heures. Un mano a mano inédit pour deux hommes de droite que tout oppose depuis mai 2017 et la rupture de l'élection présidentielle, lorsque Édouard Philippe est devenu Premier ministre d'Emmanuel Macron, tandis que Laurent Wauquiez s'est affirmé comme le leader d'une droite "vraiment de droite" pour reconstruire Les Républicains face à En marche.

Jeudi soir, sur le plateau de France 2, le face-à-face entre les deux responsables devrait illustrer à merveille le fossé qui s'est creusé à droite depuis seize mois, autant par l'un que par l'autre, qui n'ont jamais été proches.

Wauquiez contre "ceux qui poignardent Fillon dans le dos". Car sur plus de 25 ans de vie politique, Édouard Philippe (47 ans) et Laurent Wauquiez (43 ans) ont oeuvré de concert pour le même candidat pendant à peine quatre mois. Ce fut François Fillon, pendant la dernière campagne présidentielle, de novembre 2016 à mars 2017. Accablé par les affaires, le Sarthois est alors "lâché" par le maire du Havre le 2 mars, trois jours avant son meeting de la dernière chance du candidat LR au Trocadéro. Ce jour-là, retenu par une course à pied dans son fief de Haute-Loire, Laurent Wauquiez n'est pas sur la photo de famille des derniers fidèles de l'ancien Premier ministre. Il a pris quand même soin d'afficher sa loyauté dans les colonnes du JDD : "Je suis écœuré par ceux qui collaient Fillon pour obtenir un poste gouvernemental et qui le poignardent dans le dos dès qu'il a mis un genou à terre. Quel manque de dignité…". Un tacle directement adressé aux juppéistes, au premier rang desquels Édouard Philippe.

" Non seulement ils ne s’apprécient pas au plan humain, mais ils sont antithétiques au niveau des valeurs "

La parenthèse de leur (relative) proximité politique se referme. Les deux hommes avaient pourtant un pédigrée similaire au début des années 2000 : Sciences Po et ENA pour les deux, Normale Sup' en plus pour Laurent Wauquiez. Les quadragénaires ne se sont vraiment côtoyés que quelques mois, en 2001, lorsqu'ils sont au Conseil d'État. Depuis, aucune alliance, aucune photo qui les réunit, rien. Édouard Philippe est passé par le privé dans un cabinet d'avocats puis chez Areva, avant de devenir député et maire du Havre. Laurent Wauquiez, lui, accompagne Jacques Barrot, puis Nicolas Sarkozy, dont il a fait partie de l'équipe gouvernementale, en parallèle d'une carrière d'élu local en Haute-Loire. Jusqu'à occuper aujourd'hui le costume de président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

"Ils ont une absence d’estime réciproque". Voilà pour les parcours. La fracture est encore plus nette dans leurs rapports, qui oscillent depuis plusieurs années entre dédain et franche inimitié : "Ils ne s’aiment pas", analyse froidement un proche du Premier ministre dans Le Monde. "Ils ont une absence d’estime réciproque, et ce depuis toujours. Non seulement ils ne s’apprécient pas au plan humain, mais ils sont antithétiques au niveau des valeurs." Édouard Philippe n'a jamais caché son appartenance au centre-droit cher à Alain Juppé, son mentor, tandis que Laurent Wauquiez est progressivement passé de la "droite sociale" qu'il défendait en 2010 à "l'absence de tabou" sur les thèmes habituellement préemptés par l'extrême droite, comme l'immigration et l'islam.

Sur fond de divergences idéologiques, la relation entre les deux hommes s'est tendue depuis que l'un est chargé d'appliquer la politique d'Emmanuel Macron et que l'autre tente de devenir l'opposant numéro un au chef de l'État. Et chaque occasion est bonne pour s'opposer à distance. Quand Laurent Wauquiez traite les députés LREM de "guignols" devant des étudiants, en février, Edouard Philippe récuse l'idée que la majorité soit composée de "marionnettes". Lorsque le patron des Républicains dénonce la "coupable naïveté" du chef de l'État après l'attentat de Trèbes, le Premier ministre affirme que les responsables de l'opposition "prennent, dans leur légèreté, une bien lourde responsabilité".

"Avec lui, le pire est toujours possible". La seule "gentillesse" du patron de LR pour le locataire de Matignon remonte au 4 juillet 2017, après le discours de politique générale du second. "Le Premier ministre a fait le travail de Premier ministre", reconnaît Laurent Wauquiez. Avant de lui envoyer une petite pique : Édouard Philippe "a beaucoup changé, parce que beaucoup de mesures qu'il a annoncées ne correspondent pas à ce qu'étaient ses convictions".

" Je ne le considère pas comme un traître, car au fond, je n’ai jamais considéré qu’il était de droite "

Au fond, l'antagonisme est une constante chez ces deux ambitieux. "Avec lui, on a la certitude que le pire est toujours possible", cinglait Édouard Philippe auprès de journalistes, à l'été 2016. "Je ne le considère pas comme un traître, car au fond, je n’ai jamais considéré qu’il était de droite", affirmait quant à lui Laurent Wauquiez devant des proches après la nomination du juppéiste à Matignon, selon Le Parisien. Quelques mois plus tard, le bureau politique de LR excluait Édouard Philippe du parti de droite. Jeudi soir, dans L'Émission politique, les deux responsables auront une nouvelle occasion de montrer qu'ils n'ont en commun qu'un cursus et un passé dans la même famille politique. Et que leurs divergences n'ont jamais été aussi fortes, promesse d'un duel entre deux droites aux antipodes.