Pas de "bluff" : Macron mis en garde par des maires au grand débat

Emmanuel Macron au milieu des élus d'Occitanie, vendredi, dans le Lot.
Emmanuel Macron au milieu des élus d'Occitanie, vendredi, dans le Lot. © AFP
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avec AFP , modifié à
Vendredi, plusieurs maires ont averti le chef de l'État que les mots seuls ne suffiraient pas à mettre fin à la crise des "gilets jaunes", alors que se profile "l'acte 10" du mouvement. 

"Je vous mets en garde, monsieur le président : il ne faudra pas que ce débat devienne le grand bluff !": des maires ont averti Emmanuel Macron vendredi que les mots seuls ne suffiraient pas à mettre fin à la crise des "gilets jaunes", à la veille de l'acte 10 du mouvement.

Le chef de l'État avait souhaité mardi un débat "sans tabou". Des élus l'ont pris au mot, lors de la deuxième grande consultation organisée devant plus de 600 maires des 13 départements d'Occitanie, à Souillac, dans le Lot.

"Opération de com', une mascarade, de l'enfumage ?". Le premier a été le président de l'association des maires ruraux du Lot, Christian Venries, qui a prononcé un sévère réquisitoire contre le président et ses prédécesseurs. Ce grand débat, est-ce "une opération de com', une mascarade, de l'enfumage ?", s'est interrogé le maire de Saint-Cirgues, en fustigeant les "lois complètement déconnectées", qui sont "pondues dans les bureaux parisiens". "J'espère que vous n'êtes pas dans la posture du 'dites-moi de quoi vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer'". "Il faut arrêter de jeter en pâture les plus faibles", a-t-il lancé au chef de l'État, qui prenait des notes, assis au premier rang. Sur un ton plus mesuré, parfois teinté d'humour, d'autres élus ont egréné les doléances de leurs concitoyens, tout en remerciant le président d'être venu. "Quand on va au contact dans cette terre de rugby, ça a du sens", a salué l'un d'eux.

Préoccupations et requêtes. En introduction, Emmanuel Macron a souhaité que cette consultation nationale ait pour "vocation de recréer par la délibération, cette part de consensus dont nous avons besoin". Au premier rang des préoccupations exprimées par les maires figure l'affaiblissement des services publics dans les campagnes, qui se sentent défavorisées. "L'internet haut débit et la 4G font défaut (...). Malgré les assurances d'Orange, les travaux prennent du retard", a dénoncé Agnès Simon-Picquet, maire des Junies, qui demande à l'État de "contraindre les opérateurs à tenir les engagements". Une requête applaudie par l'assistance. L'émotion a ensuite été palpable lorsque Emmanuel Macron et les 600 maires se sont levés et ont longuement applaudi l'édile de Trèbes, commune de l'Aude frappée en 2018 par un attentat ayant fait quatre morts et une crue ayant tué six personnes en octobre.

"Macronneries". Souillac avait été placée sous très haute sécurité. Ce qui n'a pas empêché des dizaines de manifestants - "gilets jaunes", retraités locaux et jeunes masqués - de venir protester : "Manu, arrête tes macronneries, tu ne vas pas réussir à nous endormir avec ton grand débat", clamait une banderole des "gilets jaunes aveyronnais en colère". Le matin, des heurts ont opposé les manifestants aux forces de l'ordre, qui les ont repoussés, parfois à coups de matraque, et procédé à deux interpellations.

Visite surprise. Comme mardi dans l'Eure, le chef de l'État a effectué avant ce rendez-vous une visite surprise dans la matinée, cette fois dans une école de Saint-Sozy, à une quinzaine de kilomètres de Souillac. Accompagné de deux ministres, il a notamment discuté avec des parents, des élèves de CE1-CE2, et signé des autographes sur les cahiers de cours. À la sortie de l'école, le président a longuement échangé avec des habitants, notamment une étudiante infirmière, qui l'a interpellé sur le handicap, et des retraités. "Je ne suis pas sourd, c'est pour ça que je vais au contact", a répondu le président à un artisan.

360 débats recensés à partir de samedi. Une nouvelle rencontre avec des élus est prévue le 24 ou 25 janvier, dans un lieu que l'Élysée doit annoncer. "L'idée est d'avoir une à deux rencontres par semaine, en fonction de l'agenda international, et garder des rencontres qui soient à taille humaine", a expliqué Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales et co-animateur du grand débat. Quelque 360 débats, à partir de samedi, sont actuellement référencés sur la plateforme, a précisé Sébastien Lecornu : 40% organisés par des élus locaux, des collectivités territoriales, 40% par des citoyens et 20% par des associations.

De nouvelles manifestations prévues samedi

Lancé à la hâte, le grand débat s'organise peu à peu. Quelque 94% des Français disent avoir entendu parler du grand débat. Mais 64% restent sceptiques sur son utilité et seuls 29% comptent y participer, selon un sondage Odoxa Dentsu Consulting diffusé jeudi. En dépit du débat, de nouveaux rassemblements de "gilets jaunes" sont prévus samedi. Les commerçants des grands centres urbains, qui voient fondre leur chiffre d'affaires, craignent "le samedi de trop".