Marion Maréchal-Le Pen invitée de la sulfureuse Ligue du Nord en Italie

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Marion Maréchal-Le Pen se rend en Italie mardi et mercredi à l’invitation du parti populiste italien.

La Ligue du Nord italienne et le Front national sont proches à plus d’un titre. Géographiquement bien sûr, mais aussi idéologiquement et politiquement. Mardi et mercredi, Marion Maréchal-Le Pen va illustrer cette proximité en se rendant à Rome et à Milan et à l’invitation du parti populiste italien. La nièce de Marine Le Pen va tenir deux réunions publiques en compagnie de membres de la Ligue du Nord et va rencontrer ses puissants dirigeants. Et tant pis si le parti politique italien, volontiers qualifié d’extrême droite, traîne une réputation sulfureuse. Car le Front national peut se nourrir de son allié européen dans sa conquête du pouvoir.

L’exercice du pouvoir
Car le pouvoir, la Ligue du Nord l’a exercé au niveau national à plusieurs reprises, une expérience qui manque toujours au parti de Marine Le Pen. En 1994, grâce à une alliance avec Silvio Berlusconi, le parti populiste obtient ainsi cinq portefeuilles dans le gouvernement, dont le ministère de l’Intérieur, mais aussi le poste de président de la Chambre des députés. Depuis, et malgré des brouilles, le puissant homme d’affaires a toujours nommé des ministres de la Ligue du Nord lors de ses passages au pouvoir, entre 2001 et 2006 et entre 2008 et 2011.

En outre, là où le FN doit se contenter d’une dizaine de communes, la "Lega" occupe actuellement la présidence des provinces de Lombardie, près de 10 millions d’habitants (la plus peuplée du pays) et de Vénétie, 5 millions d’habitants, et la mairie de dizaines de communes, dont Varèse, 82.000 habitants. "Très rapidement après sa création, en 1989, la Ligue du Nord est devenu un parti de gouvernement, contrairement au FN", explique Jean-Yves Camus, auteur de Les Droites extrêmes en Europe (Ed. Seuil, avec Nicolas Lebourg). "Marion Maréchal-Le Pen, qui aspire à devenir présidente de région, peut apprendre de la ‘Lega’ en la matière".

Le parti populiste italien a notamment su créer des alliances, ce à quoi se refuse toujours Marine Le Pen. Alors que sa nièce est plus ouverte. "Si on parle d'union avec Les Républicains, je suis assez sceptique. (...) En revanche, une union avec des personnalités de droite m'apparaît non seulement souhaitable mais nécessaire", affirmait-elle lundi dans le magazine identitaire France.
 
Un "parti frère" ?
Au Parlement européen, le Front national et la "Lega Nord" font partie des principaux membres du groupe ENL, qui agglomère les eurosceptiques. "A une autre époque, on les aurait qualifiés de ‘parti frère’", affirme Jean-Yves Camus. Pourtant, cette proximité n’allait pas de soi. "Leur agenda de départ est différent", explique le spécialiste de l’extrême droite. "Alors que le FN est nationaliste, la ‘Lega’ s’est fondée sur une volonté indépendantiste du Nord de l’Italie, beaucoup plus riche que le Sud", rappelle-t-il. Mais la donne a changé. "Avec l’arrivée de Matteo Salvini, son actuel secrétaire fédéral, à sa tête, en décembre 2013, son agenda est devenu beaucoup plus national, souverainiste, anti-immigration, islamophobe, avec une récurrence très forte sur le thème de l’identité", explique Jean-Yves Camus.

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En clair, la Ligue du Nord s’est rapprochée du fond idéologique du FN, et non l’inverse. "Historiquement, c’est plutôt la Ligue du Nord qui a à apprendre du FN. La Ligue du Nord s’est aligné sur le FN", confirme celui qui dirige l’Observatoire des radicalités politiques. Car si la Ligue du Nord a exercé le pouvoir, c’est bien le Front national qui réalise les plus gros scores électoraux. Alors qu’aujourd’hui, le parti de Marine Le Pen pèse entre 25 et 30% en France, la "Lega" est loin de ces scores, puisqu’elle est créditée d’entre 10 et 12% des intentions de vote si des élections avaient lieu aujourd’hui en Italie. Le meilleur score de son histoire demeure celui des législatives de 1996, avec 10,8% des voix.

Des dérapages en cascade
La Ligue du Nord peut aussi s’inspirer du FN en termes de dédiabolisation. Car alors que les leaders du parti frontiste évitent soigneusement tout écart de langage, notamment à caractère raciste, ceux du parti italien n’hésitent pas à se lâcher. A la fin des années 2000, un député européen avait ainsi fait déverser de l’urine de porc sur des terrains destinés à la construction de mosquées, comme le rappelle Le Monde. Quant à Roberto Calderoli, vice-président du Sénat italien, il avait institué le "jour du cochon", invitant les propriétaires de porcs à se promener avec leurs animaux près des lieux de culte musulman. "Les dérapages sont répétés, assumés", explique Jean-Yves Camus.

Le paroxysme a été atteint lors de la nomination comme ministre de l’Intégration, entre avril 2013 et février 2014, de Cecile Kyenge, d’origine congolaise. "Quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m'empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan", avait lâché le même Roberto Calderoli alors qu’il était déjà en poste au Sénat. Des propos qui avaient déclenché un tollé, mais n’avaient pas été sanctionnés. "La ministre a été victime d’une véritable campagne de haine qui dépassait le cadre du seul vice-président du Sénat", rappelle Jean-Yves Camus. Après un fait divers impliquant des immigrés, une élue locale de la Ligue du Nord avait publié une photo de la ministre avec cette question : "Pourquoi personne ne la viole jamais, pour qu’elle puisse comprendre ce que ressent la victime de ce crime horrible?" Cette fois, la conseillère municipale de Padoue a été exclue de son parti et sommée de présenter des excuses.

Malgré cette sanction, la Ligue du Nord est encore loin, d’une dédiabolisation à la hauteur de celle menée depuis plusieurs années par le Front national. Marion Maréchal-Le Pen, qui rencontrera Metteo Salvini mercredi à Milan avant une réunion publique commune, pourra lui en toucher un mot.