Gérald Darmanin 1:24
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avec AFP , modifié à
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin  était invité à s'expliquer devant les députés, puis les sénateurs de la Commission des lois, sur l'usage de la force par les policiers et les gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites ou à Sainte-Soline. Les échanges ont viré à la passe d'armes ce mercredi.

Les échanges entre les parlementaires de gauche et Gérald Darmanin, taxé de "ministre de la matraque", ont viré à la passe d'armes mercredi à l'Assemblée nationale et au Sénat, où ce dernier a de nouveau attribué à l'"ultragauche" une responsabilité dans les violences lors des manifestations. Le ministre de l'Intérieur était invité à s'expliquer devant les députés, puis les sénateurs de la Commission des lois, sur l'usage de la force par les policiers et les gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites ou à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres.

Darmanin a projeté des images de violences "contre les forces de l'ordre"

Chiffres sur les armes saisies, photos d'attaques de bâtiments publics, vidéos de policiers pris à partie : le ministre a commencé ses auditions par un long exposé, en projetant plusieurs diapositives. Autant de preuves de "l'extrême violence contre les forces de l'ordre", a-t-il dit, en citant les exemples de récents affrontements à Paris, Lyon, Bordeaux ou Lorient.

C'est "une audition 'Paris-Match', le poids des mots, le choc des photos", a dénoncé le député écologiste Benjamin Lucas, raillant "un joli PowerPoint façon McKinsey", le cabinet de conseil au cœur de plusieurs enquêtes concernant les campagnes présidentielles d'Emmanuel Macron. La charge la plus lourde est venue de l'Insoumis Thomas Portes qui a qualifié Gérald Darmanin de "ministre de la matraque". "Faudra-t-il un nouveau Malik Oussekine pour enfin vous faire revenir à la raison ?", s'est-il interrogé, en référence à ce jeune homme mort sous les coups de policiers à moto en 1986.

"Mobilisation très forte de l'ultragauche"

Gérald Darmanin a également révélé des notes du renseignement territorial évoquant une "mobilisation très forte de l'ultragauche" venue "infiltrer le mouvement social et en prendre la direction". "Si j'étais provocateur, je dirais qu'ils ont voulu (le) prendre en otage", a-t-il déclaré. "Nous essayons de rompre avec une forme de lâcheté ou de complaisance qu'il y a eu avec l'ultragauche", a-t-il lancé plus tard au Sénat.

Depuis le 16 mars et le début des tensions dans les manifestations après le recours au 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, 1.851 personnes ont été interpellées, 299 atteintes contre des institutions publiques (préfectures, mairies...) et 132 attaques de permanences parlementaires ont été recensées, a-t-il listé. Un total de 2.500 feux sur la voie publique, 58 véhicules et 13 bâtiments incendiés, ont également été dénombrés.

Une pétition sur la dissolution de la Brav-M classée

Ces auditions sont intervenues alors que la commission des Lois de l'Assemblée a classé mercredi une pétition, signée par près de 264.000 personnes, pour la dissolution de la Brav-M, brigade de policiers à moto critiquée pour son recours à la violence en manifestation. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a refusé mercredi d'imposer au ministère de l'Intérieur d'agir pour rendre effective l'obligation faite aux forces de l'ordre de porter leur matricule d'identification en intervention (RIO).

Sans surprise, Gérald Darmanin a de nouveau apporté son soutien aux forces de l'ordre, en dépit des critiques formulées par la Défenseure des droits, le Conseil de l'Europe ou le rapporteur spécial de l'ONU sur les défenseurs de l'environnement. "Les policiers et gendarmes ne font que répliquer à des gens qui sont violents (...)", a déclaré Gérald Darmanin. À Sainte-Soline, 47 gendarmes ont été blessés, selon les autorités. Les organisateurs ont fait état de 200 blessés parmi les manifestants, dont 40 grièvement. L'un d'entre eux était toujours mardi entre la vie et la mort.

Polémique sur la LDH

La sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie a reproché à Gérald Darmanin ses récentes déclarations sur le "terrorisme intellectuel de l'extrême gauche". "Vous ne devriez pas utiliser le terme de terrorisme de manière un peu rapide", a-t-elle lancé. "Vous n'êtes pas la police des mots", lui a rétorqué Gérald Darmanin. Plutôt que de "jeter aux chiens" policiers et gendarmes, "passez une journée avec la Brav-M", a-t-il encore dit.

En réponse à une intervention du sénateur LR François Bonhomme, qui appelait à "cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l'Etat", le ministre a déclaré à propos de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), que "la subvention donnée par l'Etat" "mérite d'être regardé[e] dans le cadre des actions qui ont pu être menées".

"M. Darmanin, 'les actions qui ont pu être menées' par la LDH depuis plus de 120 ans sont la défense des droits et libertés de toutes et tous, ne vous en déplaise", a répliqué la LDH dans un tweet." "Cette fois, vous franchissez le Rubicon et quittez pour de bon l'espace républicain", a tancé le député écologiste Aurélien Taché. Sandrine Rousseau (EELV) a elle fait part sur Twitter de son "soutien indéfectible" à l'association "et à son travail".