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Walid Berrissoul, édité par A.H.
Les affaires se multiplient, en dépit de la volonté affichée de moraliser la vie publique. Mais les garde-fous sont-ils suffisamment efficaces pour empêcher les politiques d'entrer en conflit d'intérêts ?
L'ENQUÊTE DU 8H

Visiblement, la loi sur la transparence de la vie publique n'aura pas suffi. Pas même celle sur la moralisation qui est en préparation. Le soupçon de conflit d'intérêts colle aux basques des politiques français.

Différents cas de figure, la même suspicion. Depuis lundi, la droite accuse le ministre et ancien député Richard Ferrand d'avoir déposé une proposition de loi sur les mutuelles, tout en étant encore rémunéré par les Mutuelles de Bretagne. Et les exemples se multiplient. Il existe des dizaines de cas suspects. Cette suspicion naît dans bien des situations : quand un parlementaire légifère sur un secteur dans lequel il a été salarié, ou dans lequel il l'est encore, ou quand le parlementaire est recruté plus tard. Thierry Solère, par exemple, avait été embauché dans le recyclage de déchets, juste après avoir défendu un allègement fiscal pour cette industrie.

Pas les mêmes règles pour les parlementaires. Si cela est connu, c'est parce que les parlementaires ont désormais l'obligation de déclarer tous leurs intérêts. Mais une fois qu'ils l'ont fait, rien ne leur interdit de travailler sur une loi où ils sont potentiellement en conflit d'intérêt. À la différence d'un ministre, ou d'un maire, qui n'a pas le droit de demander une subvention pour une association dont il est par ailleurs le président, un parlementaire, lui, a une liberté totale pendant son mandat. Il s'agit là d'un principe constitutionnel.

Renforcer les sanctions. Pour les parlementaires, le seul garde fou est ce qu'on appelle le déontologue de l'assemblée. Ce poste existe depuis six ans, mais le déontologue n'a aucun pouvoir d'enquête. Et surtout, il ne peut être saisi que par le parlementaire lui-même… qui se soupçonne donc tout seul d'être en conflit d'intérêts. Autant dire que cela n'arrive pas très souvent : seulement huit fois depuis l'instauration du processus. Le juriste Thomas Clay propose donc de renforcer ses pouvoirs : "On peut très bien lui donner un pouvoir de sanction, voire un pouvoir coercitif ou un pouvoir d'injonction. Il ne faut pas, comme on l'a vu dans le passé, qu'un parlementaire émarge dans un cabinet d'avocats pour se faire le relais de ces clients d'avocats au sein du parlement". 

Des limites à la transparence. D'autres pistes sont à l'étude, comme le délai de carence. Un député qui vient de l'industrie pharmaceutique, par exemple, n'aurait pas le droit pendant un certain temps de travailler sur des lois qui concerne la santé. Cela signifie-t-il qu'il faudrait soupçonner chaque député qui ait un métier par ailleurs ? C'est toute la limite, car il faut que le Parlement reste représentatif de la société. Même le député René Dosière, qui a fait de la moralisation de la vie politique son combat, demande des limites à cette transparence. "On ne va pas empêcher un agriculteur député de participer à un débat sur l'agriculture. La transparence absolue est violation de la vie privée et publique, une sorte de terreur morale. Il faut s'en garder", estime-t-il.

Pour René Dosière, il faut mettre en place un code de bonne conduite, par écrit, à l'assemblée. Cela existe depuis des années au parlement européen, mais pas pas pour nos parlementaires nationaux.