L'Assemblée débat dans l'urgence de la surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés

La mesure prévue par la loi de finances rectificative devrait rapporter 5,4 milliards d'euros à l'État, contre 10 pour l'ancienne taxe sur les dividendes.
La mesure prévue par la loi de finances rectificative devrait rapporter 5,4 milliards d'euros à l'État, contre 10 pour l'ancienne taxe sur les dividendes. © FRANCK FIFE / AFP
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avec AFP , modifié à
Pour compenser une partie du manque à gagner lié à l'annulation de la taxe sur les dividendes, l'Assemblée débat d'une loi de finances rectificative censée surtaxer les grandes sociétés via une hausse de l'impôt sur les sociétés.

L'Assemblée nationaledébat dans l'urgence lundi d'une surtaxe exceptionnelle, cette année, sur les grandes entreprises pour compenser en partie la censure à 10 milliards d'euros de la taxe sur les dividendes et permettre à la France de tenir ses engagements budgétaires européens.

Le seul but de la loi de finances rectificative. Cette surtaxe est l'article quasiment unique d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) élaboré en quelques jours par l'exécutif après une décision du Conseil constitutionnel début octobre qui invalide la taxe sur les dividendes, introduite en 2012, et contraint l'Etat à rembourser 10 milliards d'euros, principalement aux grandes entreprises.

Au lieu du taux normal de 33,3%, les bénéfices des 320 plus grands groupes français, réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, seront ainsi taxés à 38,3%, et même à 43,3% pour ceux dont l'activité dépassera 3 milliards d'euros cette année.

5,4 milliards d'euros de recettes. Le rendement est estimé à 5,4 milliards d'euros, dont 4,8 milliards versés au titre d'un acompte payé avant fin décembre.

Avec cette mesure, le gouvernement compte réduire cette année le déficit public à 2,9% du PIB, donc sous le seuil européen des 3%, afin que la France ne soit plus le dernier pays de la zone euro, avec l'Espagne, en procédure pour déficit excessif.

Le manque à gagner restant à la charge de l'État. "C'était ça ou sortir des clous européens", a expliqué en commission le ministre des Finances Bruno Le Maire pour justifier l'urgence de ce collectif budgétaire. Le solde de la facture, environ 5 milliards, sera à la charge de l'Etat et fera passer le déficit budgétaire en 2018 de 2,6 à 2,8%.

Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a cependant averti que cette répartition de la facture entre 2017 et 2018 devra être validée sur un plan comptable par l'Insee et Eurostat.

La solution est "la moins mauvaise". L'ex-président LR de la commission des Finances Gilles Carrez admet que "la solution proposée par le gouvernement est la moins mauvaise" car "juridiquement solide", une surtaxe à l'impôt sur les sociétés ayant déjà été appliquée par le passé.

Le Medef a cependant exprimé son mécontentement contre une démarche "qui vise à faire payer, à ceux qu'on a illégalement taxé, le remboursement de ce qu'on leur doit".

Des perdants chez les entreprises distribuant peu de dividendes. Plusieurs députés de droite, comme Lise Magnier (Constructifs), pointent eux le "caractère inéquitable" de la mesure, qui va pénaliser des entreprises ayant distribué peu ou pas de dividendes comme les mutuelles. Le dispositif devrait créer "95 gagnants et 233 perdants, dont une dizaine de très perdants", a reconnu Bruno Le Maire.

La gauche de la gauche souhaiterait elle que cette surtaxe soit "pérenne" car "les Français vont devoir régler cinq millards d'euros", rappelle le communiste Fabien Roussel.

La taxe sur les dividendes retoquée en mai.La "taxe à 3%", prélevée sur les dividendes distribués par les entreprises, avait été partiellement retoquée en mai par la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci avait estimé contraire au droit européen que la France l'applique aux dividendes perçus d'une filiale établie dans un autre pays de l'UE et donc pouvant avoir déjà été imposés dans ce pays.

D'autres types de dividendes pouvaient rester assujettis à ce prélèvement, instauré par François Hollande en 2012 afin de compenser une perte de recettes due déjà à la censure européenne d'une précédente taxe. Mais le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement méconnaissait "les principes d'égalité".

Le Maire avait dénoncé "un scandale d'État". L'affaire a alors tourné au règlement de comptes politique entre l'actuel gouvernement et l'ancienne majorité. Bruno Le Maire a jugé que c'était un "scandale d'Etat" et a a saisi l'Inspection générale des finances (IGF) qui doit rendre son rapport sur les responsabilités dans cette affaire le 10 novembre.

Pour leur défense, les socialistes ont invoqué, à l'instar de l'ex-secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, qu'en 2012 "toutes les analyses concluaient à la conformité au droit communautaire" et rappelé que le secrétaire général adjoint de l'Élysée en charge de l'économie à l'époque s'appelait... Emmanuel Macron.

La taxe sur les dividendes avait été validée par le Conseil constitutionnel. L'ex-rapporteure générale au Budget Valérie Rabault (PS) a fait remarquer que le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré cette taxe en 2012 et qu'il avait changé d'avis après la décision cette année de la Cour de justice européenne.