La génération 96 parle de Mitterrand

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Mitterrand, ici en 1988 à Créteil avec le maire de la ville Laurent Cathala, lors de la campagne de la présidentielle 1988. © Franck PERRY/AFP
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Ils sont nés l’année de la disparition de Mitterrand et s’ils ne l’ont pas connu, ces jeunes de 19 ans ont une opinion très précise du premier président socialiste de la Vème République.

Il y a 20 ans jour pour jour disparaissait François Mitterrand. Le président aux deux septennats, qui a amené pour la première fois les socialistes au pouvoir, s’éteignait à 79 ans le 8 janvier 1996. La même année, naissait une flopée de petits Français, qui ont eux grandi sous Jacques Chirac. Ces jeunes, aujourd’hui âgés de 19 ans pour la plupart, ont donc fait connaissance avec Mitterrand dans les livres d’histoire et les souvenirs de leurs parents. Pourtant, la mémoire de l’ancien chef de l’Etat reste très vivace même chez ceux qui ne l’ont pas connu. Europe 1 les a interrogés.

"Une personne charismatique"... Premier constat, ces jeunes ont intégré les parts d’ombre et de lumière de François Mitterrand. Ils sont d’abord nombreux à saluer le charisme de l’ancien président de la République arrivé au pouvoir en 1981. "Il est pour moi une figure emblématique du parti socialiste", affirme Antoine, en deuxième année de droit et d’histoire à Orléans. Ce dernier est né le 26 octobre, comme François Mitterrand, dont on fête également le centenaire de la naissance cette année. "Pour ma part, il évoque une part de renouveau. En parlant avec des personnes plus âgées, j’ai pris conscience que son élection avait été un véritable changement pour la France", ajoute Aude, en deuxième année de droit à Nice.

Thibaud est lui militant socialiste à Marseille. "C’est évidemment à mes yeux le plus grand président qu’ait connu la France sous la Ve République", explique-t-il, avant d’affirmer plus clairement : "François Hollande ferait bien de s’en inspirer. Je vous assure que si Hollande réalisait ne serait-ce que le quart de ce qu’a fait Mitterrand, je serais le plus heureux !". D’autres aiment aussi se souvenir du Mitterrand lettré et amoureux de la littérature française. "C’est l’un des derniers présidents de la République à être amoureux des lettres", rappelle Martin qui étudie les Arts du spectacle à Rennes. "De nos jours, les hommes et les femmes politiques ne prennent plus le temps de lire".

François Mitterrand (1280x640) Michel CLEMENT/AFP

© Michel CLEMENT/AFP

...mais aussi "machiavélique" et "obnubilé par le pouvoir". Et puis il y a bien sûr le Mitterrand tacticien, mystérieux et "machiavélique", comme le disent certains. "François Mitterrand m’apparaît directement comme un fin stratège politique, obnubilé par le pouvoir et désireux d’affaiblir la droite, quitte à faire entrer l’extrême-droite à l’Assemblée nationale", assure Grégoire, en deuxième année de prépa à Rennes. Thomas, étudiant en journalisme à Paris, renchérit : "c’est un président qui a eu beaucoup d’ennuis avec la justice et qui a caché beaucoup de choses aux Français : sa fille Mazarine, nourrie aux frais de l’Etat, son cancer détecté dès 1981, les écoutes téléphoniques à l’Elysée, sa francisque sous Pétain et surtout les nombreux suicides". Chloé, originaire de Bordeaux, est encore plus directe : "il m’évoque du dégoût, du mépris, je ne le porte pas dans mon cœur". "Ce n’était pas quelqu’un de confiance, on pensait qu’il était plutôt à droite à ses débuts et il a fini au parti socialiste", rebondit Florian, militants aux Républicains.

L’abolition de la peine de mort plébiscitée. Interrogés sur les mesures les plus fortes prises par François Mitterrand, tous placent l’abolition de la peine de mort le 18 septembre 1981 en première position. Antoine retient aussi que "c’est durant son mandat qu’est nommée la première femme Premier ministre, Edith Cresson". Thomas évoque également les mesures sociales : "la création du RMI, la retraite à 60 ans, les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés". Il y aussi le Mitterrand européen qu’aiment saluer ces jeunes nés avec l’Union européenne. "Je retiens les signatures des accords de Schengen et du traité de Maastricht, qui représentent plusieurs pas en avant dans la construction européenne", explique Martin.

Une figure du passé ? Faut-il définitivement ranger Mitterrand du côté des livres d’histoire ou ses idées continuent-elles à influencer la politique française actuelle ? Pour Chloé, aucune ambiguïté : "il reste le troisième président de la Ve République, il est une figure du passé et qu’il y reste !" Même avis pour Grégoire : "Mitterrand est à coup sûr une figure du passé. Celui qui n’a pas eu d’idée neuve en son temps peut-il être aujourd’hui une source d’inspiration ?" "Il représente pour moi la vieille politique du 20ème siècle", abonde Yaël, étudiante en droit à Nantes.

Mais pour Clément, étudiant en information et communication à Rennes, "on parle encore de son impact et de ses mesures politiques de l’époque. François Mitterrand a fait évoluer et libérer certaines mœurs de la société". Thibaud, le militant socialiste, tranche : "Mitterrand n’est pas un sujet de conversation, si ce n’est au moment des commémorations". "Mais", ajoute-t-il, "les militants qui ont vécu 1981 m’en parlent émerveillés comme d’un grand moment de leur vie... que j’aurais vraiment aimé vivre aussi".