La fermeture de Fessenheim : une promesse de campagne sans cesse repoussée

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François Hollande s'était engagé a fermer la centrale de Fessenheim d'ici fin 2016. © PATRICK KOVARIK / AFP
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R.Da.
La date avancée de l’arrêt des deux réacteurs nucléaires alsaciens n’a cessé de reculer dans le calendrier, jusqu’à échapper désormais au seul contrôle de François Hollande.

La mesure faisait partie des soixante engagements du candidat en 2012. François Hollande avait promis la fermeture de Fessenheim dans le Haut-Rhin, la plus vieille centrale du parc nucléaire français (1977), initialement conçue pour une durée d’exploitation de quarante ans. Une promesse devenue un axe fort de la campagne du futur président, dans le cadre de son accord avec EELV, et réitérée pendant le débat de l’entre-deux tour face au président sortant, Nicolas Sarkozy, qui souhaitait en prolonger la durée de vie. "Une seule centrale fermera, une : Fessenheim. On me dit, pourquoi Fessenheim ? […] C’est la plus vielle de France. Elle se trouve, en plus, sur une zone sismique, à côté du canal d’Alsace", avait argué le socialiste.

"Un délai tenable". Le 14 septembre 2012, devant la conférence environnementale, le président élu livre son calendrier et promet une fermeture pour fin 2016. Quelques mois plus tard, Delphine Bartho, encore ministre de l’Ecologie, estime auprès de l’AFP que la promesse d’une fermeture en quatre ans est "un délai tenable", en dépit des estimations de l’Autorité de sûreté nucléaire qui table plutôt sur cinq ans, face à la complexité de la procédure. La fermeture de la centrale doit notamment se faire dans un cadre législatif, celui de la loi de transition énergétique dont l’examen devant le parlement n’est alors pas prévu avant l’automne 2013.

Premier couac...Adoptée en juillet 2015, la loi, qui paramètre pourtant la réduction de 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025, ne fait aucune mention de Fessenheim. C’est néanmoins en vertu de cette législation que la nouvelle ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, évoque le 8 septembre une fermeture de la centrale pour 2018, date théorique du lancement de l’EPR de Flamanville dans la Manche, plombé par de nombreux retards. En effet, la capacité nucléaire étant désormais plafonnée, EDF ne peut plus lancer l’EPR sans réduire d’un autre côté sa production. La mise en fonction de ce réacteur de troisième génération doit aussi permettre au distributeur de compenser le manque à gagner après l’arrêt des deux réacteurs alsaciens.

La déclaration de la ministre ne manque pas de faire grincer les dents du partenaire écologiste : "Si demain le président de la République décide de ne pas fermer Fessenheim, c’est à lui de le dire, et d’expliquer aux Français pourquoi un tel renoncement sur les engagements pris devant nous en 2012", s’agace Emmanuelle Cosse, alors secrétaire nationale d’EELV, devant les caméras de France 3. Le jour même, l’entourage du président tempère auprès de l’AFP et fait savoir qu’il maintient sa position sur ce dossier.

… et premier revirement. Dans une interview au Parisien magazine, fin septembre, François Hollande reconnait officiellement qu’il ne pourra pas suivre le calendrier qu’il s’était fixé. "La centrale nucléaire de Fessenheim sera-t-elle fermée d'ici à la fin 2016, comme vous vous y étiez engagé pendant la campagne présidentielle ?", interroge l’hebdomadaire. "Non, concède le chef de l’Etat, car la construction de l’EPR de Flamanville a pris beaucoup de retard. Mais ce qui importe, c’est d’engager toutes les procédures pour fermer Fessenheim. Nous le faisons". Le démarrage de l’EPR est aujourd’hui fixé à fin 2018, et son raccord au réseau au deuxième trimestre 2019.

EDF met la pression. Surtout, le dossier a fini par échapper au seul contrôle du gouvernement. Au printemps 2016, EDF conditionne en effet le déclenchement du processus de fermeture des réacteurs de Fessenheim à un accord sur son indemnisation. Alors que l’Etat, actionnaire à 85% du capital du fournisseur d’électricité, propose un chèque de 80 à 100 millions d’euros, l’entreprise réclamerait 2 à 3 milliards selon une information du Monde. Fin mars 2017, le gouvernement s’engage finalement à verser un minimum de 489 millions d’euros.

Jeudi, le conseil d’administration doit trancher et donner, ou non, son feu vert à la signature du décret autorisant la fin de l’exploitation de Fessenheim. Dans la mesure où les représentants de l’Etat n’ont pas leur mot à dire et où ceux du personnel craignent les conséquences sociales d’une fermeture, l’issue du vote repose largement sur les six derniers administrateurs indépendants. Une chose est sûre, aujourd’hui, la balle n’est plus dans le camp de François Hollande.