La dissolution de l’Assemblée nationale en 1997 : "Chirac et Juppé ont très mal apprécié la gauche"

Jacques Chirac lors de son allocution télévisée du 21 avril 1997.
Jacques Chirac lors de son allocution télévisée du 21 avril 1997. © AFP
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte jeudi, Jean-Michel Aphatie, éditorialiste politique à Europe 1, et Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef de l’hebdomadaire Challenges, reviennent sur la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par Jacques Chirac.

C'est un épisode rocambolesque de l'histoire politique française. En avril 1997, Jacques Chirac, alors président, décide de dissoudre l'Assemblée nationale où la droite est pourtant largement majoritaire. Chez Christophe Hondelatte jeudi, Jean-Michel Aphatie, éditorialiste politique à Europe 1, et Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef de l’hebdomadaire Challenges, reviennent sur les raisons qui ont mené à cette décision.

Rigueur et popularité. Dès le début de l'année 1997, au plus haut sommet de l'Etat, on sait qu'il va falloir réduire les déficits et passer sous la barre des 3%, comme l'exige le traité de Maastricht. "Le chômage remonte, la croissance n'est pas très bonne donc l'équation budgétaire est compliquée", résume Ghislaine Ottenheimer. Problème, en 1998 ont lieu les élections législatives. En effet, à l'époque, les mandats n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. Celui du président (sept ans) n'était pas aligné sur celui des députés (cinq ans). Le serrage de vis semble risqué. "Le budget 1998 est impossible à construire : il faut faire de la rigueur. Donc assez logiquement, au fond, Alain Juppé se dit que si un budget de rigueur est mis en place en 1997, la droite perdra les élections législatives en 1998", décrit Jean-Michel Aphatie.

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"Jacques Chirac ne dit pas la vérité aux français". Jacques Chirac, Alain Juppé (alors Premier ministre), Maurice Gourdault-Montagne (secrétaire général de Matignon) et Dominique de Villepin (Secrétaire général de la présidence de la République) cherchent des solutions pour résoudre cette équation, dès février 1997. Et finalement, c'est Jacques Chirac qui pose sur la table la possibilité d'une dissolution. L'idée est de se faire réélire lors d'élections législatives anticipées et, ensuite, de se lancer dans les mesures impopulaires. "Le calcul n'est pas mauvais, mais l'exécution a été mauvaise", analyse l'éditorialiste politique d'Europe 1.

Selon Jean-Michel Aphatie, "le calcul est mauvais car Jacques Chirac ne dit pas la vérité aux français". Au lieu de jouer la carte de la transparence, "Jacques Chirac installe la campagne des législatives dans le mensonge", estime l'éditorialiste politique, "il ne dit pas qu'on va vers une situation budgétaire difficile, il dit qu'il va baisser les impôts".

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Christophe Hondelatte, Jean-Michel Aphatie et Ghislaine Ottenheimer © Europe 1

"Alain Juppé est grillé à cette époque". La droite française fait aussi plusieurs mauvaises analyses, qui lui coûteront finalement chères. Alain Juppé, alors Premier ministre depuis mai 1995, doit mener ces élections législatives pour la droite. Mais pour Ghislaine Ottenheimer, "Alain Juppé est grillé à cette époque. (...) Pendant des mois, il y a des émissaires qui essayent de convaincre Jacques Chirac de changer de Premier ministre, mais il ne veut pas". C'est donc un homme politique impopulaire qui sera chargé de mener la bataille des législatives après la dissolution.

Autre problème, Jacques Chirac fait le pari que la gauche n'est pas prête, qu'elle sera pris de court avec l'annonce de cette dissolution. "Chirac et Juppé ont très mal apprécié la gauche", constate Jean-Michel Aphatie. "En 1997, Lionel Jospin est bon et il est entouré de gens assez brillants : Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal, Bernard Kouchner". Et pire, pour la droite, la gauche va même se rassembler derrière la personnalité de Lionel Jospin. Chevènementistes, écologistes, communistes se réunissent autour de lui pour former la "Gauche plurielle", qui remportera quelques semaines plus tard les élections législatives. Lionel Jospin débarque à Matignon en tant que Premier ministre. C'est le début de la troisième cohabitation de la Ve République.