La déchéance de nationalité, épine dans le pied du PS

François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre.
François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre.
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Camille Girerd avec Margaux Baralon
MALAISE AU PS - Au lendemain des attentats du 13 novembre, François Hollande avait annoncé cette mesure pour les binationaux nés Français, au grand dam d'une partie de la gauche.

En période de menace terroriste, la mesure est généralement en pole position des propositions politiques. Mais la déchéance de nationalité pour les personnes convaincues d'actes terroristes reste difficile à manier. François Hollande l'apprend en ce moment à ses dépens. Le 16 novembre, trois jours après les attaques de Paris, le chef de l'Etat avait dévoilé devant le Parlement réuni en Congrès une batterie de dispositifs pour renforcer la sécurité et punir plus sévèrement les actes de terrorisme. Parmi eux, la fameuse déchéance de nationalité.

"Même s'il est né Français". Celle-ci ne peut s'appliquer que pour les personnes bénéficiant d'une double nationalité, et François Hollande le sait bien. Aussi a-t-il précisé que la mesure "ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu'un apatride". En revanche, le chef de l'Etat souhaite pouvoir déchoir de sa nationalité un individu condamné "même s'il est né Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité", et pas seulement les binationaux qui ont acquis la nationalité française.

Modifications législatives. Pour y parvenir, impossible d'y couper : il va falloir procéder à des modifications législatives profondes. La loi du 23 janvier 2006 rend en effet impossible la déchéance de la nationalité française lorsque celle-ci a été acquise plus de 15 ans avant les faits reprochés. Ce délai est garanti par le Conseil constitutionnel. Les binationaux nés Français ont donc peu de risques d'être concernés, à moins d'être des terroristes très précoces. A charge pour le Conseil d'Etat, saisi pour avis lundi, de dire si le gouvernement peut l'abolir en ne touchant qu'à la loi, ou s'il va lui falloir aussi modifier la Constitution.

Un "amalgame indéfendable". Dans les deux cas, François Hollande aura besoin des voix de la gauche pour mener son projet à bien. Et c'est là que les choses se corsent. Cette semaine, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, les socialistes n'ont pas hésité à faire part de leurs doutes. "Cela crée une forme d'amalgame indéfendable entre les étrangers et l'insécurité, argue Christian Paul, chef de file des frondeurs socialistes. Sur le principe, ça pose question et c'est très inquiétant." Daniel Goldberg, élu de Seine-Saint-Denis, prévient : "C'est une proposition que je ne voterai pas."

Une brèche ouverte dans le droit du sol. Si ces deux députés frondeurs sont des habitués de la critique à l'égard du gouvernement, la grogne monte bel et bien, même chez les élus habituellement d'une loyauté sans faille. Etendue à ceux qui sont nés Français, cette mesure, que l'on est plus habitués à voir dans les programmes de l'extrême-droite que des socialistes, est une brèche ouverte dans le droit du sol. Un sacrifice "sur l'autel du djihadisme" que n'est pas prêt à faire un député proche du gouvernement.

Une efficacité remise en cause. Même chez les ministres, les langues se délient. L'un deux, grandiloquent, lâche qu'il ne "participera pas à un gouvernement Laval", en référence au régime de Vichy pendant l'Occupation. La gêne est telle que le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a prévenu qu'il ne "pense pas que cette mesure puisse bloquer les terroristes".