Jean-Michel Aphatie : après la sortie de crise des "gilets jaunes", "il faudra réapprendre à faire confiance"

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Jean-Michel Aphatie
Selon notre éditorialiste, Jean-Michel Aphatie, la crise des "gilets jaunes" a révélé une grande défiance vis-à-vis du mécanisme même de la démocratie.

"La crise des 'gilets jaunes' révèle quelque chose de particulier dans la démocratie française : le niveau de méfiance auquel nous sommes parvenus. Au-delà même de ceux qui portent un gilet jaune, de nombreux citoyens aujourd’hui disent nourrir de la défiance à l’égard de leurs élus. Cette méfiance se nourrit de plusieurs décennies d’échecs des politiques publiques : nous avons un chômage de masse important, un déficit public important et un niveau de taxation important, ou du moins ressenti comme tel.

La démocratie mise à mal. Le mouvement révèle également, ce qui est assez nouveau, une méfiance vis-à-vis des mécanismes de la démocratie elle-même. Il y a beaucoup de violences dans les prises de parole des oppositions, qui témoignent d’une certaine intolérance. Il y a aussi de la violence dans les rues. Il ne faut pas oublier les journées du 1er et du 8 décembre, des journées de manifestation où il y avait en face des policiers des gens qui témoignaient d’une haine telle que l’on ne pensait pas voir cela dans la démocratie française. Cela laissera des traces.

Quand nous sortirons de la crise – parce qu’il y aura une sortie de crise – nous resterons avec ces sentiments douloureux. Il faudra les surmonter, réapprendre à faire confiance, et notamment à ceux qui nous dirigent parce que l’on ne peut pas imaginer une démocratie sans déléguer le pouvoir.

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Un mouvement composite, difficile à cerner. Le 6 novembre, soit une dizaine de jours avant la première journée de mobilisation, Europe 1 avait interrogé Emmanuel Macron - alors en pleine itinérance mémorielle dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre -, sur la grogne qui était en train de poindre. "J’entends les colères légitimes, les préoccupations. Il y a des gens, parmi nos concitoyens, qui sont dans une situation de désarroi, il faut qu’on les aide", avait alors assuré le chef de l’Etat. Avant de nuancer : "Sur ce type de mouvement, je suis toujours très prudent parce que s’agrègent beaucoup de choses qui n’ont rien à voir, s’agrègent toutes les formes de démagogie. Il y a beaucoup de gens qui veulent simplement tout bloquer." Le raisonnement n’était pas faux.

Aujourd’hui, tout est polarisé sur le "grand débat national". Qu’est-ce qu’il en restera ? Quelle leçon en tirera le président ? Fera-t-il un référendum ? La colère, qui semble aujourd’hui apaisée, pourra-t-elle renaître ? C’est la réponse à toutes ces questions qui dessinera une sortie de crise."