Les propos de Frédérique Vidal ont suscité la polémique. 1:12
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avec AFP
La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a demandé au CNRS une enquête sur "l’islamo-gauchisme" à l’université, suscitant la polémique. La communauté universitaire a vivement condamné cette initiative, alors que le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a pris ses distances avec la ministre. 
DÉCRYPTAGE

En octobre dernier, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer avait dénoncé les "ravages de l’islamo-gauchisme à l’université" au micro d’Europe 1, suscitant une vive polémique. Cette fois-ci, c’est la ministre de l’Enseignement supérieur qui a provoqué un tollé sur la même thématique. Frédérique Vidal a demandé mardi une enquête au CNRS sur "l’islamo-gauchisme" à l’université, afin selon elle de distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme. Les réactions indignées de la communauté universitaire ne se sont pas fait attendre, le CNRS lui-même condamnant par communiqué "un slogan politique utilisé dans le débat public" qui "ne correspond à aucune réalité scientifique". Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a également réagi, prenant ses distances avec Frédérique Vidal. Europe 1 revient sur cette nouvelle polémique entre un ministre et le monde universitaire. 

Acte 1 : Frédérique Vidal met en cause les universités sur CNews

Tout est parti d’une interview donnée dimanche soir par Frédérique Vidal sur CNews, sur le plateau de Jean-Pierre Elkabbach. Selon elle, "l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et l'université n'est pas imperméable". "Ce que l'on observe dans les universités c'est qu'il y a des gens qui peuvent utiliser leurs titres et l'aura qu'ils ont, ils sont minoritaires (...) pour porter des idées radicales ou pour porter des idées militantes", a affirmé la ministre, suscitant aussitôt l’indignation sur les réseaux sociaux. 

Acte 2 : la ministre demande une enquête au CNRS 

Frédérique Vidal est revenue sur ses propos mardi, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. La députée LFI Bénédicte Taurine s’est dite "choquée" par "ces chasses aux sorcières dignes d’un autre régime", appelant la ministre à préciser sa pensée. "J'ai été interrogée sur ce que l'on voit apparaître dans les universités, à savoir des universitaires qui se disent eux-mêmes empêchés par d'autres de mener leur recherches, leurs études", a répondu Frédérique Vidal. 

La ministre a ensuite annoncé qu'elle allait demander au CNRS "un bilan de l'ensemble des recherches qui se déroulent dans notre pays, que ce soit les recherches sur le post-colonialisme par exemple". "J'ai été extrêmement choquée de voir au Capitole apparaître un drapeau confédéré et je pense qu'il est essentiel que les sciences humaines et sociales se penchent sur ces questions qui sont encore d'actualité", a-t-elle affirmé.

Acte 3 : la communauté universitaire indignée, le CNRS condamne 

Cette proposition a immédiatement suscité une levée de boucliers dans le monde universitaire. Dans un communiqué, la Conférence des présidents d'université (CPU) a fait part de "sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de 'l'islamo-gauchisme' à l'université". "Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition", a-t-elle proposé.

Mercredi, le CNRS lui-même a publié un communiqué au vitriol pour dénoncer la proposition de Frédérique Vidal. "L’islamo-gauchisme, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques", a écrit le prestigieux organisme de recherche, peu adepte de telles prises de position. 

Acte 4 : Attal et Macron prennent leurs distances 

Face à la fronde, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a réagi en conférence de presse, mercredi. Emmanuel Macron a un "attachement absolu à l'indépendance des enseignants-chercheurs", a-t-il déclaré, prenant ainsi ses distances avec l'enquête demandée par Frédérique Vidal. 

Interrogé sur l'appui ou non du président à cette démarche de la ministre de l’Enseignement supérieur, le porte-parole du gouvernement a botté en touche. "La priorité pour le gouvernement, c'est évidemment la situation des étudiants dans la crise sanitaire, c'est évidemment la possibilité d'apporter un soutien financier aux étudiants en difficulté, c'est évidemment de permettre aux étudiants qui le souhaitent de pouvoir revenir progressivement en présentiel à l'université", a-t-il répondu. Un recadrage poli, en somme.