Financement électoral : pourquoi le FN est inquiété par la justice

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L.H. et G.S. avec AFP
ON VOUS EXPLIQUE - Le trésorier du Front national était convoqué au pôle financier mercredi. Le parti est soupçonné d'avoir escroqué l'Etat.

C'est l'affaire qui colle aux basques du Front national depuis plusieurs mois. Le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, était convoqué mercredi matin au pôle financier pour être entendu par les juges d'instruction dans l'enquête sur son financement. Le FN pourrait être mis en examen en tant que personne morale à l'issue de cette audition. Il peut aussi ressortir de l'audition sous le statut plus favorable de témoin assisté. Dans cette enquête, les juges soupçonnent la mise en place d'un système de surfacturations lors des législatives de 2012, qui aurait permis un enrichissement aux dépens de l'Etat, qui rembourse les dépenses de campagne.

>> De quoi le FN est-il soupçonné ? Europe 1 récapitule l'affaire :

Riwal vend les kits à Jeanne… L'affaire démarre en 2013 lorsque la Brigade financière de la police judiciaire parisienne ouvre une enquête sur Jeanne, un micro-parti proche du FN, après un signalement auprès des autorités de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP). Les deux principaux acteurs du dossier sont Riwal, une société de communication officiant pour le FN, et Jeanne, donc. Riwal, dirigée par Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et ancien leader de l'organisation d'extrême droite GUD est soupçonnée d'avoir surfacturé des "kits de campagne" (des lots d'affiches, tracts, photos, etc) à Jeanne. Riwal aurait ainsi, avec l'accord de"Jeanne, largement gonflé les prix de ces prestations par rapport à ceux du marché. Les enquêteurs se demandent si ces deux structures ne se sont pas mises d'accord sur un système ingénieux pour écouler ensuite ces kits à prix d'or.

…Jeanne vend les kits aux candidats, qui s'endettent auprès de Jeanne… Les enquêteurs s'intéressent principalement à la campagne des départementales de 2011, et surtout à celle des législatives de 2012. Le FN aurait obligé les candidats à ces élections à se fournir en kits de campagne auprès de Jeanne, sous peine de ne pas recevoir l'investiture du parti. "L’investiture du FN n’est validée qu’après signature du bon de commande relatif au kit de campagne", peut-on lire dans une note qui aurait été adressée à l’époque aux secrétaires départementaux, citée par Libération ou encore dans le magazine Complément d'enquête de France 2.

Or, selon certaines sources citées par Libé, France 2 ou encore l'AFP, pour acheter le fameux kit à Jeanne, les candidats devaient contracter un prêt… auprès de Jeanne, avec des taux d'intérêt salés (entre 6 et 7%). "On nous dit : signe. On ne nous explique pas à quoi ça sert", a témoigné par exemple une ancienne candidate dans Complément d'enquête. Une "méthode stalinienne", dénonce encore un ancien membre.

…et au final, c'est l'Etat qui rembourse. Grâce à ces taux d'intérêt, Jeanne, qui ne compte quasiment aucun adhérent, aurait pu dégager des recettes de huit millions d'euros pour la seule année 2012, selon France 2. La plupart du temps, tous les prêts contactés par les candidats dans le cadre d'une élection sont remboursés par l'Etat, et donc par le contribuable, au titre du remboursement des frais de campagne. S'ils font moins de 5% des voix aux élections, c'est le candidat qui paie de sa poche. D'où l'impression pour certains de "s'être fait rouler" dans cette affaire.

Qui est soupçonné ? Six personnes ont été mises en examen. Parmi elles, le patron de Riwal, ancien leader du GUD et ami proche de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, et un vice-président du FN, Jean-François Jalkh, ainsi que deux personnes morales, la société Riwal et le microparti Jeanne.

 

Un vide législatif

L'enquête sur le financement du FN a été fragilisée par un vide législatif. En effet, le parti était soupçonné d'avoir accepté un financement provenant d'une personne morale, mais ce délit n'est plus puni par la loi. Cette faille avait échappé au législateur, au parquet de Paris et aux juges d'instruction. "Comment le procureur de la République a-t-il pu commettre une erreur aussi grossière ?", s'est indigné Wallerand de Saint-Just, qui a assigné l'Etat pour "cette faute inqualifiable" et réclame 200.000 euros de dommages et intérêts. Face à ce vide juridique, le ministère public a demandé en juin aux magistrats de mettre en examen le FN pour d'autres délits présumés : recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroqueries.