Éric Dupond-Moretti appelle à la prudence sur une redéfinition pénale du viol

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Lors d'une audition devant la délégation aux droits des femmes au Sénat, Éric Dupond-Moretti a appelé à la "prudence" face aux appels en faveur d'une révision de la définition pénale du viol en France. "La législation française est une des plus répressives d'Europe" a-t-il ajouté. 

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a appelé jeudi à la "prudence" face aux appels en faveur d'une révision de la définition pénale du viol en France, mettant en garde contre un "glissement vers une contractualisation des rapports sexuels". "La législation française en matière de viol est sans doute la plus répressive d'Europe : 15 ans de réclusion criminelle jusqu'à la perpétuité (...) lorsque l'Espagne fixe une peine de 6 à 12 ans depuis 2022", a-t-il fait valoir lors d'une audition devant la délégation aux droits des femmes au Sénat.

Une proposition de loi visant à intégrer le consentement déposée au Sénat

"Notre définition du viol protège les victimes et permet de sanctionner lourdement les auteurs en s'attachant à démontrer la responsabilité de l'agresseur qui impose une relation sexuelle non consentie", a-t-il ajouté. À l'heure actuelle, l'article 222-23 du Code pénal définit le viol comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise".

Des voix s'élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition et y intégrer notamment la notion de consentement. Une proposition de loi en ce sens a notamment été déposée à l'automne par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. La question fait également l'objet d'une mission d'information parlementaire qui devrait rendre ses conclusions au printemps. "Est-ce le rôle de la loi pénale que de définir le consentement d'une victime, au lieu de s'attacher à définir la responsabilité d'un criminel ?", a déclaré Éric Dupond-Moretti, pointant "des risques de glissement vers une contractualisation des relations sexuelles dont, je le crois, personne ne veut".

 

"Je veux ici mettre en garde quant au risque de braquer la focale sur la victime alors que le seul responsable est le violeur. Le risque majeur est de faire peser la preuve du consentement sur la victime", a-t-il ajouté. Le débat en France fait écho aux discussions en cours à Bruxelles autour d'une directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne, s'opposent à une définition européenne du viol fondée sur l'absence de consentement, estimant que le viol n'a pas la dimension transfrontalière nécessaire pour être considéré comme un "eurocrime".

"Certains ont instrumentalisé ce débat pour dire que la France était rétrograde : c'est d'abord, surtout, et uniquement à nos yeux, un débat de compétences de l'Union et de doctrine", a dit le ministre de la Justice, jugeant "primordial de ne pas prendre le risque d'un texte qui se ferait annulé par la Cour de Justice de l'Union Européenne."