Cyber-attaques : Macron est-il dans le viseur de Moscou ?

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Le fondateur d'En Marche! accuse la Russie d'ingérer dans sa campagne, notamment en diffusant de fausses informations via des sites proches du Kremlin.

L'heure de la contre-attaque a sonné. L'entourage d'Emmanuel Macron a décidé de dénoncer publiquement ce qu'elle voit comme des tentatives de déstabilisation de la part du gouvernement russe. Mardi, Richard Ferrand, secrétaire général d'En Marche!, s'est fendu d'une tribune dans Le Monde pour demander à ne pas laisser la Russie ingérer dans la présidentielle. Avant cela, Benjamin Griveaux, porte-parole du mouvement fondé par Emmanuel Macron, a lui aussi fait le tour des médias pour exprimer son agacement.

Que reproche l'équipe de Macron aux Russes ?

L'équipe du candidat est persuadée qu'En Marche! est la cible de cyber-attaques. Dans le JDD de ce week-end, un conseiller du mouvement fondé par Emmanuel Macron explique ainsi que "plusieurs centaines d'attaques quotidiennes" surviennent contre "notre base de données et nos boîtes mail, mais aussi notre réputation". Ces assauts informatiques auraient commencé en novembre dernier, moment où l'ancien ministre de l'Économie a officialisé sa candidature, et se seraient multipliés depuis. "Comme par hasard, [ils] viennent des frontières russes", a déploré lundi sur France 2 Richard Ferrand, secrétaire général d'En Marche!.

Au-delà de ces attaques, l'entourage d'Emmanuel Macron dénonce la recrudescence des rumeurs et des fausses informations relayées sur Internet et dans certains médias afin de déstabiliser le candidat. Médias qui, à l'instar de Sputniknews et RT (Russia Today), sont proches –et financés- par le régime russe. "Les 'informations' de ces sites sont massivement relayées, sans aucun filtre, par des centaines de comptes Twitter et Facebook qui donnent un caractère d'évidence à ce qui ne relève que de la calomnie systématique", s'est insurgé Richard Ferrand, mardi, dans un communiqué.

Sur quoi se fondent ces accusations ?

Un responsable du renseignement a confirmé au JDD, sous couvert d'anonymat, les cyber-attaques contre En Marche!. "Leur site Internet est attaqué en permanence", explique-t-il. Une situation que connaissent tous les sites des partis politiques. "Mais Macron, c'est aujourd'hui le candidat qui fait peur."

" Le site d'En Marche! est attaqué en permanence. "

Concernant la propagation de rumeurs et de fausses informations, l'équipe d'En Marche! pointe plusieurs publications de Sputniknews et RT. Le premier a relayé une interview de Nicolas Dhuicq, député LR, qui a tenu des propos très étranges sur la vie privée d'Emmanuel Macron, estimant notamment qu'il "y a un très riche lobby gay qui le soutient" parce que Pierre Bergé, homme d'affaires effectivement fortuné et effectivement gay, l'a rejoint. Nicolas Dhuicq a également accusé l'ancien ministre de l'Économie d'être un "agent du grand système bancaire américain". Quant à RT, il publie régulièrement des interviews de personnalités diverses qui s'opposent à Emmanuel Macron, relaie des tweets militants contre le fondateur d'En Marche! dans nombre de ses articles et cite des "médias alternatifs" pour appuyer des informations non vérifiées –comme celle de l'organisation du voyage d'Emmanuel Macron au Liban par l'Élysée.

Une interview de Julian Assange au journal Izvestia a remis de l'huile sur le feu. "Nous avons des informations intéressantes sur un autre candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron", a déclaré le fondateur de WikiLeaks, qui a précisé qu'elles seraient extraites des e-mails d'Hillary Clinton déjà piratés par son organisation.

Comment En Marche! se prémunit contre ces attaques ?

Le mouvement d'Emmanuel Macron assure avoir tout mis en œuvre pour lutter contre les cyber-attaques. Notamment en détachant une "demi-douzaine de responsables de la sécurité informatique" et en recrutant Mounir Mahjoubi, ancien président du Conseil national du numérique. "Nous appliquons les meilleures pratiques", assure ce dernier au JDD. "Le serveur de notre site n'est pas lié au réseau interne, aux bases de données ni aux mails."

Mais selon le site Reflets.info spécialisé dans les nouvelles technologies, le site d'En Marche! est loin d'être un modèle en matière de sécurité. "WordPress, le système de gestion de contenu plébiscité" par Emmanuel Macron (et bien d'autres candidats à la présidentielle d'ailleurs) "nécessite un minimum d'entretien, en l'occurrence des mises à jour de sécurité", écrivait le site le 7 février dernier. "Mises à jour qu'au moins deux candidats de 'premier plan', [François Fillon et Emmanuel Macron] semblent avoir passées aux oubliettes alors même qu'ils collectent sur leur site les données personnelles de leurs militants".

Que répondent les Russes ?

Mardi, RT et Sputnik ont "rejeté catégoriquement" les accusations à leur encontre. RT s'est dit "consterné que de telles attaques sans fondement soient lancées". Sputnik, quant à lui, a dénoncé des accusations "sans aucune preuve".

" Nous n'avons pas et nous n'avons jamais eu l'intention de gêner les affaires intérieures d'un pays, encore moins son processus électoral. "

Le Kremlin aussi s'est indigné contre des accusations "absurdes". "Nous n'avons pas et nous n'avons jamais eu l'intention de gêner les affaires intérieures d'un pays, encore moins son processus électoral", a déclaré son porte-parole, Dmitri Peskov. "Moscou n'a jamais fait cela officiellement et ne le fera pas à l'avenir."

Pourquoi les soupçons se tournent vers la Russie ?

Ce n'est pas la première fois que ce pays est accusé d'ingérer dans une élection présidentielle étrangère. Pendant la campagne américaine aussi, la Russie a été pointée du doigt pour avoir joué un rôle trouble et favorisé la victoire de Donald Trump. Un rapport des services de renseignement américains publié la semaine dernière affirmait ainsi que le Kremlin avait "cherché à augmenter ses changes d'être élu quand cela était possible, en discréditant Hillary Clinton et la comparant de manière défavorable". Selon ce même rapport, le GRU, le renseignement militaire russe, a piraté "les comptes email personnels de responsables du parti démocrate", en tirant "de larges volumes de données". Enfin, RT et Sputnik "ont contribué à la campagne d'influence en servant de plateforme pour les messages du Kremlin", donnant notamment une image "constamment négative" de la campagne d'Hillary Clinton.

Si l'équipe d'En Marche! soupçonne la Russie, c'est aussi parce qu'elle sait que le programme d'Emmanuel Macron n'a rien pour plaire à Moscou. Si le candidat à la présidentielle n'attaque pas frontalement Vladimir Poutine, il reste atlantiste, profondément en faveur d'une Union européenne forte. "Une Europe qui pèse lourd, y compris face à la Russie", note Richard Ferrand. Par rapport à un candidat nettement plus pro-russe, comme François Fillon ou Marine Le Pen, Moscou aurait donc fort à perdre avec l'élection d'Emmanuel Macron. Et, selon En Marche!, le nombre de cyber-attaques contre son site a augmenté précisément lorsque le candidat LR, plombé par les affaires, a commencé à dévisser dans les sondages.