François Hollande avait lancé sa campagne au Bourget. 3:36
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Antoine Terrel
Au micro de Patrick Cohen, le journaliste Michael Moreau, auteur du livre "Les plumes du pouvoir", a raconté les coulisses de plusieurs discours célèbres de présidents ou de personnalités politiques de premier plan, de l'annonce de la dissolution de 1997 par Jacques Chirac au discours du Bourget de François Hollande en 2012.
INTERVIEW

Qu'ils soient l'oeuvre de candidats en campagne, de présidents en exercice, ou bien de chefs de partis tentant de convaincre leurs militants, les discours sont parmi les figures imposées de la vie politique les plus scrutées, commentées...et retenues. Car pour les plus grands discours comme les plus calamiteux, leur retentissement traverse généralement les années. C'est à cet exercice que s'est intéressé le journaliste Michaël Moreau dans son livre Les plumes du pouvoir, et dans lequel il s'intéresse à l'histoire et la préparation de ces prises de paroles, notamment par les témoignages des plumes ayant participé à leur rédaction en coulisses. Invité samedi de C'est arrivé cette semaine, sur Europe 1, l'auteur a raconté quelques anecdotes éclairantes et amusantes sur ces discours, de Mitterrand à François Hollande en passant par Jacques Chirac

1997 : Chirac peine à expliquer sa dissolution 

C'est un discours resté dans les annales...pour ses calamiteuses conséquences. Le 21 avril 1997, le président de la République Jacques Chirac s'exprime à la télévision pour annoncer sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale, pourtant dominée par une majorité de droite. Une décision hasardeuse, qui débouchera sur une cuisante défaite aux élections législatives et une victoire de la gauche amenant à la troisième cohabitation de la Ve République. Alors plume du président, c'est Christine Albanel, qui sera des années plus tard ministre de la culture de Nicolas Sarkozy, qui s'était alors chargée de préparer le discours devant expliquer une initiative qui divisait fortement à droite. Et dans le livre, elle raconte la réaction de Chirac à la lecture de la première version. "Il se dit : 'mais on ne comprend bien pourquoi je dissous'", relate Michaël Moreau. "Et Christine Albanel répond : 'C'est bien le problème'". Et le journaliste de poursuivre : "Finalement, c'était presque mission impossible ce discours, parce qu'à la base, il y avait une décision qui n'était pas bonne". 

La colère de Mitterrand après le suicide de Bérégovoy

Le 1er mai 1993, le suicide de l'ex-Premier ministre Pierre Bérégovoy le long d'un canal de la Nièvre bouleversait la France, et venait assombrir encore un peu plus la fin du deuxième septennat de François Mitterrand déjà marqué par une défaite aux législatives. Pierre Bérégovoy n'avait pas supporté d'être visé par des accusations mettant en cause sa probité. Et lors des obsèques, François Mitterrand avait délivré un discours accusateur et plein de colère. "Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme, et finalement sa vie", avait-il déclaré. 

Cette formule, le président de la République l'avait concoctée lui-même "dans le Paris-Nevers (où se déroulaient les obsèques), après une discussion avec son conseiller Michel Charasse". Ces mots, Mitterrand les couche alors "sur un petit bout de papier format carte de carte de visite". Et cette carte de visite, raconte Michaël Moreau, "est longtemps restée sur son bureau", avant d'être récupérée par Anne Lauvergeon, alors conseillère du président. Dans le livre, l'ex-présidente du directoire d'Areva confie son soulagement au moment où elle a pu enlever ce papier du bureau d'un président tourmenté par le drame : "Je trouvais la présence de ce papier sur son bureau mortifère". "François Mitterrand et Pierre Bérégovoy n'étaient pas proches, mais le suicide de Bérégovoy était quand même très lourd pour le président de la République", note Michaël Moreau. 

Quand Fillon et Marine Le Pen partagent une plume

L'anecdote avait fait le bonheur des internautes et des émissions politiques. Lors de la campagne pour les présidentielles de 2017, pour son discours du 1er mai, la présidente du RN Marine Le Pen s'était largement inspirée d'un discours prononcé quelques jours plus tôt par le candidat LR François Fillon. Un plagiat causé en réalité par l'ancien député européen Paul-Marie Coûteaux, "qui avait été plume de François Fillon pendant la campagne et plume de Marine Le Pen pendant l'entre-deux tours, et qui avait envoyé le même texte sans prévenir", explique Michael Moreau. Un épisode qui avait encore un peu plus fragilisé la campagne de Marine Le Pen, avant son débat raté contre Emmanuel Macron

La "punchline" sur la finance au Bourget ? "Signée François Hollande"

Propulsé candidat du PS à la présidentielle de 2012, François Hollande devait marquer les esprits avec son premier grand discours au Bourget, en janvier 2012. Et l'ancien patron du PS avait alors su trouver une formule restée dans les mémoires, tout en s'avérant plus tard un boulet lors d'un quinquennat jugé sévèrement par une partie de son propre camp. "Mon véritable adversaire, il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu. Et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance", avait scandé François Hollande devant une foule conquise. 

"C'est signé François Hollande", confirme Michael Moreau. "Il le dit : 'elle est de ma main'. Et toutes les plumes, qui pourtant revendiquent une part du discours, affirment qu'elle est bien de François Hollande et que cette phrase est même venue assez tôt dans le brief fait aux différentes personnes ayant pu contribuer à ce discours".

Ils seront en revanche moins nombreux à revendiquer quelques années plus tard la rédaction du controversé discours de novembre 2015 devant le Congrès, lors duquel le président propose l'instauration de la déchéance de nationalité pour les auteurs d'actes de terrorisme. "Il n'y a plus personne", se souvient Michael Moreau, qui précise néanmoins que ce discours avait été "pas mal délocalisé". "Des conseillers de l'Élysée y ont contribué, mais pas seulement. Ça a été beaucoup délocalisé à Matignon, à l'Intérieur. Ce qui explique aussi peut-être pourquoi personne ne revendique vraiment l'histoire", conclut-il.