François Bayrou, candidat pour quoi faire ?

Tout indique que François Bayrou sera candidat à l'élection présidentielle. Alors même qu'il semble n'avoir aucune chance de l'emporter.
Tout indique que François Bayrou sera candidat à l'élection présidentielle. Alors même qu'il semble n'avoir aucune chance de l'emporter. © JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
  • Copié
, modifié à
Le président du MoDem fait chaque jour un pas de plus vers une candidature. Alors même que ses chances de victoire sont infimes. Qu’irait-il donc faire dans cette galère ?

Les jours passent et le suspense se fait de moins en moins fort. François Bayrou n’en finit plus de lancer des signaux, plus ou moins grands, qui doivent le mener, en toute logique, vers une candidature à l’élection présidentielle. La quatrième consécutive. Le président du MoDem ne semble pourtant pas, loin s’en faut, en mesure de l’emporter et de s’installer à l’Elysée. Alors à quoi bon se présenter ?

  • Une ambition chevillée au corps

François Bayrou fait partie de ces personnalités politiques persuadées d’avoir un destin présidentiel. Alors jamais le maire de Pau n’a écarté une candidature. Même quand la primaire de la droite battait son plein, lui laissant peu de place pour exister, même face à l’ascension d’Emmanuel Macron, qui lui prend sa place au centre, même face aux sondages peu flatteurs, qui lui prédisent le pire, le président du MoDem ne s’est jamais résolu à écarter cette hypothèse. "Il adore être candidat aux présidentielles, c'est sa vie. On va pas lui enlever ça !", s’amusait fin janvier Jean-Luc Bennahmias, l’un de ses anciens bras droit au MoDem, dans l’émission .Pol.

François Bayrou a d’ailleurs toujours fait fi de son peu de chances de l’emporter. Il n’y a guère qu’en 2007 qu’il a entrevu la possibilité d’une qualification au deuxième tour. Il avait finalement échoué, avec 18,57% des suffrages, à une honorable troisième place. En 2002 et en 2012, il avait plafonné à 6,84% puis à 9,13% des voix, aux quatrième puis cinquième places, loin donc de la victoire. Cette fois, ça pourrait être pire. Les sondages ne le créditent que de 5% des intentions de vote, systématiquement sixième, derrière Marine Le Pen, Emmanuel Macron, François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Mais quand on a la foi…

  • Un contexte politique pas si négatif

Et après tout, le contexte politique, à première vue catastrophique pour François Bayrou, pourrait bien évoluer en profondeur d’ici au 23 avril. Il est ainsi impossible pour l’instant de mesurer les conséquences réelles du "Penelope Gate" sur l’électorat de François Fillon. Déjà échaudés par un programme très à droite, les électeurs les plus centristes de l’ancien Premier ministre, et qui excluent fermement de se tourner vers Emmanuel Macron, pourraient voir dans François Bayrou une alternative bienvenue.

Quant à l’ancien ministre de l’Economie, s’il semble tenir le choc, rien ne dit que sa candidature, que d’aucuns comparent à une bulle, ne va pas se dégonfler un moment ou un autre. Notamment quand il finira par dévoiler, enfin, son programme présidentiel. C’est prévu pour début mars, et ce sera assurément un tournant pour le fondateur d’En Marche ! Et, qui sait, pour François Bayrou.

  • Faiseur de roi ou coupeur de tête ?

Cela dit, même si toutes les planètes s’alignaient, difficile de croire que François Bayrou soit en position, à un moment ou à un autre, de l’emporter au final. Dès lors, que peut-il espérer ? Guère plus qu’être un faiseur de roi, comme en 2007 et en 2012. Il y a dix ans, il avait annoncé qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy, sans dire qu’il voterait pour son adversaire Ségolène Royal. C’est le premier qui avait été élu. En 2012 en revanche, le maire de Pau avait clairement déclaré qu’il voterait pour François Hollande. Et s’il n’avait pas donné de consignes de vote, cette prise de position avait forcément participé à l’élection de l’actuel président de la République. Il peut faire gagner des candidats au second tour donc, ce qui lui laisserait une marge de manœuvre pour négocier son avenir politique.

Mais François Bayrou peut aussi précipiter la perte d’un autre candidat. Celle d’Emmanuel Macron en premier lieu. Sa candidature serait une fort mauvaise nouvelle, la première depuis des semaines, pour l’ancien ministre de l’Economie. Les deux hommes se disputent le centre, et en cas de concurrence frontale, ils pourraient bien rester sur le carreau. Mais François Fillon ne serait pas non plus épargné. Après les affaires concernant les emplois présumés fictifs de son épouse et de ses enfants, une candidature du maire de Pau serait pour lui un nouveau coup dur.

  • Un risque financier

François Bayrou pourrait donc bien avoir sa place lors de l’élection présidentielle. Mais c’est aussi un pari risqué pour son parti. Depuis sa création en 2007, le MoDem peine à exister au niveau national. Il ne compte que deux députés, six sénateurs et sept députés européens. Ce n’est guère mieux au niveau local, puisque depuis les élections de 2015, le parti centriste n’a remporté qu’une soixantaine de sièges de conseillers régionaux et un peu plus d’une quarantaine d’élus départementaux. En termes de dotations publiques, calculées sur le résultat aux législatives, et de cotisations d’élus, le Mouvement démocrate ne peut donc compter que sur une faible manne. Or, une présidentielle coûte très cher.

D’ailleurs, le président du MoDem a décidé de mettre l’immeuble de son parti en garantie s’il venait à se présenter, a annoncé Bruno Jeudy, chef du service politique de Paris Match, le 2 février sur Europe 1. Or si François Bayrou ne dépassait pas la barre fatidique des 5% de suffrages exprimés au premier tour, il ne pourrait pas compter sur le remboursement de la moitié de ses dépenses de campagne. Son parti, déjà exsangue, serait cette fois ruiné. Ni le MoDem ni François Bayrou ne seraient assurés de s’en relever.