Attaque au couteau : le gouvernement refuse de céder à la pression

Edouard Philippe a fermé la porte, mardi, à une nouvelle loi sécuritaire.
Edouard Philippe a fermé la porte, mardi, à une nouvelle loi sécuritaire. © Vincent LOISON / AFP / POOL
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Après l'attentat perpétré samedi à Paris, l'opposition de droite réclame un durcissement des sanctions pénales. Le gouvernement, lui, "se méfie de ceux qui pensent qu'un événement justifie une loi".

C'est une petite musique bien connue, qui résonne quasiment après chaque attentat commis en France. L'opposition d'extrême droite, ainsi qu'une partie de la droite, réclame à cors et à cris un durcissement des lois pour prévenir toute nouvelle attaque. Rétention préventive des fichés S, déchéance de nationalité… les idées ne manquent pas pour accentuer la répression au nom de la sécurité.

L'attaque au couteau perpétrée samedi à Paris par un jeune Français né en Tchétchénie n'a pas fait exception. Marine Le Pen, présidente du Front national, s'est immédiatement attaqué à l'utilité des fiches S, tout comme Laurent Wauquiez, chef de file de LR. Face aux critiques, le gouvernement préfère ne pas céder à la pression. Tandis que le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a multiplié les preuves de son action sur le terrain, Edouard Philippe a, lui, fermé la porte à toute loi sécuritaire supplémentaire.

Collomb sur le pont. Le premier a, en effet, inondé les réseaux sociaux de messages pour montrer sa mobilisation pleine et entière. Rendez-vous avec les préfets de zones de défense et de sécurité, images du ministre au chevet de l'un des blessés de l'attaque, réunions d'état-major, rencontres avec les policiers qui ont neutralisé l'assaillant… le compte Twitter de Gérard Collomb débordait d'images n'ayant qu'un but : montrer que l'ancien maire de Lyon est nuit et jour sur le pont.

Philippe écarte toute nouvelle loi. De son côté, Edouard Philippe a attendu mardi pour s'exprimer. Dans une interview au Monde, le Premier ministre, qui affichait devant les journalistes du quotidien des boutons de manchette Star Wars "May the force be with you" ("que la force soit avec toi") a joué l'apaisement. "Je me méfie beaucoup de ceux qui pensent qu'un événement justifie une loi, a-t-il déclaré, répondant ainsi aux voix de droite et d'extrême droite qui fustigent un immobilisme gouvernemental. Chacun sait qu'il est impossible de prévenir tout passage à l'acte partout et à tout moment. Ce qu'il faut, c'est que notre vigilance soit maximale. Elle l'est." Autrement dit, pas question de céder à la pression et de se mettre à gesticuler.

Macron en retrait. Ultime preuve que le gouvernement refuse toute agitation superfétatoire, Emmanuel Macron est resté à Brégançon, où il avait prévu de passer le week-end. Le président, immédiatement alerté, a préféré laisser à son chef de gouvernement et son ministre de l'Intérieur la responsabilité des déplacements sur le terrain. Sa seule expression publique sur l'attaque s'est limitée à deux tweets, dans lesquels il a adressé ses "pensées aux victimes et aux blessés", salué les forces de l'ordre et promis que la France ne cèderait "pas un pouce aux ennemis de la liberté".

Une "absence" qui fait débat. Mais entre la volonté d'apaisement et l'impression d'inaction, la frontière est parfois mince. Et c'est là tout le risque de la stratégie de communication déployée par l'exécutif : si l'objectif est d'éviter toute dramatisation anxiogène, le fait que le chef de l'État demeure en retrait a immédiatement été perçu comme un laisser-aller de la part de l'opposition. Sur France Info, lundi, Virginie Calmels, vice-présidente des Républicains, s'est "étonnée" qu'Emmanuel Macron soit "assez absent". "Je note une forme d'impuissance ou d'inaction. Elle est inquiétante. On a l'impression qu'on est en train de s'habituer à l'horreur", a-t-elle déploré.

"Pas d'agitation inutile". L'Élysée a tenté de contrer ces attaques en certifiant qu'Emmanuel Macron "peut travailler comme il l'entend à Brégançon", "en liaison directe" avec son cabinet. "Nous nous sommes parlé de manière continue dès que nous avons été alertés samedi soir", a confirmé Edouard Philippe au Monde. En dépit des coups de menton répétés de l'opposition, l'exécutif compte bien, en matière de terrorisme, garder le même leitmotiv, expliqué dans les colonnes du Parisien fin mars par l'entourage du président : "pas d'agitation inutile".