Yvan Colonna dénonce une instruction à charge

  • Copié
Rédaction Europe1.fr , modifié à
Au deuxième jour de son procès, Yvan Colonna a dénoncé mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris une enquête où "les éléments à décharge" ont été "écartés" et qui a mis en évidence sa "prétendue radicalité" au sein du mouvement nationaliste. Il s'est revendiqué comme "patriote corse" mais a nié avoir été un militant violent. Yvan Colonna est jugé pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998.

Yvan Colonna a prononcé mardi matin ses premières paroles devant la cour d'assises spéciale de Paris. L'audience de mardi est consacrée à l'examen de sa personnalité. Pendant deux heures, à quelques pas de la veuve du préfet, qui prenait des notes, il a parlé avec aplomb de sa vie et du dossier, bousculant parfois ses contradicteurs. Le berger de 47 ans a clamé son innocence dans l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac. Il a dénoncé une enquête où "les éléments à décharge" ont été "écartés". "Les témoignages en ma faveur ont été tronqués ou sortis de leur contexte", a-t-il ajouté, dénonçant la "prétendue radicalité" nationaliste qui lui est imputée. Il a mis en cause le travail des juges d'instruction Laurence Le Vert et Gilbert Thiel. "Leur but c'était de noircir le personnage", a-t-il ajouté. Yvan Colonna a accusé Laurence Le Vert d'avoir forgé une partie de son accusation en "apportant du crédit" à l'ancien chef du FLNC François Santoni qu'elle aurait, selon lui, "reçu dans son bureau". François Santoni, que l'accusé a traité de "mafieux", a été assassiné par des inconnus en 2001.

Retraçant son parcours, Yvan Colonna a affirmé qu'il avait cessé tout militantisme nationaliste dès les années 1989-90. "J'ai eu un tournant de ma vie professionnelle et affective..., avec un investissement de tous les instants dans mon exploitation agricole et avec la naissance de mon fils", a-t-il expliqué. Pour autant, a-t-il insisté à plusieurs reprises, "je reste un patriote corse", "j'ai le sentiment d'appartenir à un peuple, ce peuple est nié dans ses droits, ça a fait de moi un nationaliste corse (...) Je le suis toujours, monsieur le juge".

Le président Dominique Coujard a repris par des questions la vie de l'accusé, né en 1960 d'un père corse, professeur d'éducation physique qui devait devenir député socialiste à Nice, et d'une mère bretonne, également professeur de sport. La vie du jeune Yvan, jusqu'à l'âge de 16 ans, était centrée sur le village de Cargèse, au nord d'Ajaccio, bourgade d'immigration grecque, où se mêlent les traditions patriotiques françaises et un nationalisme corse décrit comme atypique. La famille Colonna, qui a donné deux maires au village, y possède un vaste domaine où Yvan vit avec ses parents, sa soeur et son frère, son oncle et sa tante. L'accusé à fait part de son attachement à l'île. "J'aime mon pays par-dessus tout", a-t-il dit. Le départ de la famille Colonna vers Nice, lorsqu'il avait 16 ans, fut "un arrachement, un déchirement", dit-il. Il n'aura de cesse de revenir en Corse après trois ans d'études en éducation physique à Nice et un service militaire chez les pompiers de Paris. Sa rencontre avec un berger a précipité sa vocation d'éleveur de chèvres. Il rachète au milieu des années 80 avec un associé un cheptel de 180 bêtes et le développe, à 15 minutes à pied du domaine familial.

Famille et amis ont rivalisé d'éloges lors de cette audience consacrée à la personnalité de l'accusé. Le père d'Yvan Colonna, ancien député PS de Nice, s'est dit "convaincu de l'innocence" de son fils. Jean-Hugues Colonna a décliné les trois points par lesquels il résume son fils : "franchise, altruisme et sensibilité". Il s'est justifié sur la lettre envoyée à la veuve Erignac en mai 1999, où il s'excusait pour le crime qu'il imputait alors à son fils. Il l'avait cru alors coupable sous la pression, mais a changé d'avis, a-t-il expliqué. "Je souhaite que personne ici ne connaisse cette situation", a-t-il dit, en larmes. Le père, la soeur de l'accusé Christine, son frère Stéphane, sa tante Josette ont assuré qu'Yvan avait abandonné le militantisme nationaliste au début des années 1990 en raison de son métier et de la naissance de son fils. Philippe Carlini, qui faisait du sport avec Yvan Colonna dans le village de Cargese, a lui voulu "effacer l'image d'un personnage taciturne, vivant retranché dans sa bergerie, qui parle à ses chèvres": il a décrit "un homme sociable, très social, qui s'investit dans la vie associative".