Sénat : retocages en série

Jean-Pierre Bel a défendu jeudi l'attitude du Sénat depuis son basculement à gauche.
Jean-Pierre Bel a défendu jeudi l'attitude du Sénat depuis son basculement à gauche. © MAXPPP
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Deux mois après le basculement à gauche, la Chambre haute joue à plein le contre-pouvoir.

Le gouvernement Fillon sait désormais ce qu’ont ressenti ses devanciers socialistes vis-à-vis du Sénat. Depuis son basculement à gauche, les élus de la Chambre haute n’en finissent plus de jouir à plein de leurs pouvoirs de détricotage et de contre-propositions. Une opposition systématique à laquelle la droite s’adonnait volontiers quand la gauche était aux affaires, et qui avait poussé Lionel Jospin, en 1998, après seulement un an à Matignon, à qualifier le Sénat d’"anomalie démocratique". Pile deux mois après la prise de pouvoir de la gauche, François Fillon ne doit pas être loin d’être d’accord.

Pourtant, Jean-Pierre Bel, le président du Sénat, se défend de toute obstruction démocratique. "Le Sénat a un rôle à jouer", a déclaré le titulaire du Plateau jeudi lors d’une conférence de presse. "Il ne gênera pas le jeu démocratique". Et ce citer la loi sur le médicament porté par le ministre de la Santé Xavier Bertrand et voté par le Sénat. "Mais nous avons des projets différents de la droite", a-t-il rappelé.

Le Budget 2012 vidée de sa substance

Dernier exemple en date de ces différences, le retocage, jeudi toujours, du projet de loi sur la sécurité sociale, en deuxième lecture. Contrairement au premier examen, les sénateurs n’ont pas pris la peine de détricoter mesure par mesure, se contentant d’adopter une motion signifiant qu'il n'y avait "pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture".

C’est Eric Ciotti qui, le premier a eu l’honneur de voir un de ses projets de loi retoqué. L’un des leaders de la droite populaire veut instaurer un encadrement militaire pour les mineurs délinquants. Le projet avait été voté à l’Assemblée le 12 octobre. Le Sénat l’a rejeté une semaine plus tard.

Mais c’est sûrement sur le projet de loi de Finances que l’oeuvre de déconstruction a été la plus spectaculaire. Point par point, le budget 2012 version Fillon a été vidé de sa substance depuis une semaine. Exit donc les taxes sodas, la fiscalisation des indemnités liées aux accidents du travail, le caractère exceptionnel de la contribution des hauts revenus, pérennisée. Exit aussi des mesures phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy, comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou l’allègement des droits de succession.

Des propositions, aussi

Mais les sénateurs de gauche ne se contentent pas de rejeter. Ils proposent aussi. Car il s’agit de dessiner les contours d’un programme socialiste crédible, d’une alternance à Nicolas Sarkozy. La majorité sénatoriale a ainsi voté la création d'une tranche d'impôt supplémentaire à 45% pour les revenus supérieurs à 100.000 euros, la taxation des dividendes ou encore une taxe sur les transactions financières. Plus récemment, les sénateurs socialistes ont déposé un projet de loi sur le droit de vote des étrangers installés en France. L’idée a été rejetée fermement par Nicolas Sarkozy, mais l’examen aura bien lieu le 8 décembre.

En toute logique, la Chambre haute votera pour ce projet de loi, qui sera rejeté à l’Assemblée nationale. Car la constitution est ainsi faite que ce sont les députés qui ont systématiquement le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres. Le gouvernement a donc la certitude de faire passer les textes qu’il souhaite, mais sans maîtriser totalement le timing. Reste pour lui à apprendre la patience.