Les vacances studieuses du gouvernement

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Fabienne Cosnay , modifié à
Pendant leurs congés, en août, les ministres devront rester disponibles.  

Disponibilité et responsabilité. Voila ce que demande Jean-Marc Ayrault à ses troupes, pendant leurs très courtes vacances. Les membres du gouvernement pourront se reposer entre le 1er août, date du dernier Conseil des ministres de l'été et le 22 août, qui sonnera déjà l'heure de la rentrée.
 
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"Décrocher mais jamais raccrocher"

Comme sous le gouvernement Fillon, les ministres devront respecter certaines consignes, détaillées dans un document interne qui leur a été envoyé le 6 juillet dernier. Les ministres y ont appris qu’ils devaient laisser un numéro de téléphone portable et une adresse mail pour pouvoir être joints à tout moment pendant leurs congés. S'ils ne peuvent pas être contactés directement, les membres de leur cabinet devront, dans ce cas, l'être. Les ministres pourront méditer sur ce bon mot de François Hollande, rapporté par Le Point, en 2008 : "En vacances, il faut savoir décrocher mais jamais raccrocher".

Quant au Premier ministre, il donnera l'exemple à ses troupes en "restant joignable à tout moment", précise son entourage. Les deux tiers des membres de son cabinet seront d’ailleurs consignés à Matignon, pendant sa période de congés. Objectif : assurer la continuité de l'Etat, même en plein mois d'août.

L’étranger n'a plus la cote  

En 2012, une fois de plus, c’est le "made in France" qui primera chez les ministres. 15 jours de vacances grand maximum, en famille, le plus souvent dans leur résidence secondaire, parfois dans un coin paumé de l'Hexagone. La presqu'île de Rhuys pour Jean-Marc Ayrault. L'’île d’Yeu pour Michel Sapin ou encore Montret, "le cul de la Saône-et-Loire", pour Arnaud Montebourg. L'étranger n'a plus la cote. Selon les informations d'Europe1.fr, aucun ministre n'avait fait une demande au 24 juillet pour partir dans un pays situé en dehors de l'Union européenne.

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Pourtant, cette année, les ministres n'ont pas reçu comme consigne de "privilégier les destinations françaises" - comme l'avait exigé Nicolas Sarkozy en 2010 et en 2011, suite à la polémique sur les vacances en Tunisie de Michèle Alliot-Marie. La révélation du séjour de la ministre des Affaires étrangères, alors que la révolte contre Ben Ali avait commencé, puis le fait d'avoir bénéficié du jet de l'homme d'affaires Aziz Miled, avait provoqué un tollé en France.

Après cette polémique, Nicolas Sarkozy avait imposé une règle à ses ministres : ceux qui souhaitaient passer leurs vacances en dehors de l'Union européenne devaient avoir le feu vert de Matignon. Sur ce point, Jean-Marc Ayrault n'a pas "liquidé" l’héritage Sarkozy. La consigne est la même : en cas d'escapades hors UE, les ministres doivent informer le secrétaire général du gouvernement, qui vérifie, en liaison avec le Quai d'Orsay, "la compatibilité de la destination choisie avec la politique de la France".

La canicule, l’une des plus grosses erreurs de com’ 

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Tous les politiques en savent quelque chose. Les étés peuvent être "meurtriers", comme le racontent les journalistes politiques Jérôme Chapuis et Yaël Goosz dans un livre paru en 2011*. La gestion catastrophique de la canicule en 2003 a marqué un tournant dans les vacances des ministres. L’image du ministre de la Santé Jean-François Mattéi, répondant aux questions de TF1 depuis sa résidence dans le Var, restera "l’une des plus grosses erreurs dans les annales de la communication politique", estiment les deux journalistes politiques ."Cette interview est un échec. On parle de personnes âgées en souffrance, de pic de mortalité, et qui voit-on au journal de 20 heures ? Un ministre bronzé, apparemment sous-informé, qui se contente d’annoncer la création d’un numéro vert sur la canicule", relatent-ils dans leur livre. Jean-François Mattéi payera au prix fort son éloignement et sa communication ratée. Il sera remercié du gouvernement, lors d’un remaniement.
 
Le choix des vacances est aussi tout sauf anodin pour les hommes politiques. Le séjour luxueux de Nicolas Sarkozy en 2007 à Wolfeboro aux Etats-Unis ou les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie en 2010 ont été mal perçues par les Français. En Espagne, le roi Juan Carlos vient d'en faire les frais. La branche espagnole de l'organisation WWF a demandé samedi la suppression de son poste de président d'honneur. La raison ? Le scandale suscité par sa chasse à l'éléphant, en avril dernier, au Botswana et le coût exorbitant du rapatriement d'urgence du monarque qui s'était blessé au cours de la chasse. 

Qui aura la palme du ministre le plus studieux ? 

En poste depuis quelques mois à peine, les membres du gouvernement Ayrault jouent donc la carte de la simplicité et de la proximité dans leur choix de destinations. Des ministres "normaux" qui prennent leurs vacances, "en France", comme la majorité de leurs concitoyens.

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Côté com', tous les cabinets ministériels contactés par Europe1.fr insistent bien sur un point : leurs ministres partiront en vacances "avec des dossiers". Manuel Valls, par exemple, travaillera sur le gros sujet de la rentrée place Beauvau, la création de zones de sécurité prioritaires. Le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac a, lui, d'ores et déjà prévu de faire des "allers-retours à Paris" pour gérer les dossiers urgents. Le ministre du Redressement reproductif, Arnaud Montebourg  laissera "les dossiers venir à lui", précise son cabinet. "Chacun prend ses responsabilités. Le plus important, c'est d'assurer la continuité dans chaque ministère", assure t-on à Matignon. Pour éviter les mauvaises surprises à la rentrée.

* Les étés meurtriers. Les politiques ne prennent jamais de vacances, Jérôme Chapuis ,Yaël Goosz, Plon, 2011.