Le "Moi, président" à l’épreuve du pouvoir

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Fabienne Cosnay , modifié à
DÉCRYPTAGE - Six mois après, François Hollande est-il le président qu'il voulait être ? 

C'était le 2 mai 2012. Lors du débat télévisé d'entre-deux-tours, François Hollande mettait définitivement son adversaire, Nicolas Sarkozy, KO, répétant 15 fois l'anaphore "Moi, président de la République". Manière pour le candidat Hollande d'égratigner le bilan de son rival point par point et d'endosser déjà le costume du locataire de l'Elysée. Six mois après son élection, François Hollande a-t-il tenu ses engagements ? Europe1.fr dresse un premier bilan.
 
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# LES ENGAGEMENTS TENUS

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"Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur". Les rapports entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault n'ont rien à voir avec les débuts de Nicolas Sarkozy avec son "collaborateur", François Fillon. Le président a de l'estime pour son chef de gouvernement, particulièrement malmené ces dernières semaines. François Hollande l'a redit la semaine dernière, dans une interview au Monde. "Je sais qu'il est loyal". Tout en glissant : "Il n'a pas d'ambition pour la suite". Ni "collaborateur", ni rival donc.
 
 "Moi, président de la République, les ministres ne pourraient pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local". Dès le premier Conseil des ministres, le 17 mai, Jean-Marc Ayrault avait rappelé l'engagement du chef de l'Etat. Tous les ministres se sont exécutés et ont donc renoncé à leurs mandats exécutifs locaux (maire, président de conseil général, président de conseil régional, adjoint au maire, vice-président d'une assemblée départementale ou régionale).
 
"Moi, président de la République, je constituerai un gouvernement qui sera paritaire, autant de femmes que d’hommes". Avec 17 femmes sur 34 ministres, le gouvernement Ayrault consacre effectivement la parité. Un bémol, tout de même : seule Christiane Taubira, garde des Sceaux, a obtenu un ministère régalien.
 
 

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"Moi, président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés (...)". François Hollande ne cesse de le répéter depuis son arrivée au pouvoir : la négociation est la bonne méthode. "Je l'assume. Il faut prendre le temps de décider car une fois que c'est décidé, c'est fait. Regardez Sarkozy, il a mis trois ans à détricoter le bouclier fiscal", confiait encore le président au Monde, la semaine dernière. Dès le début du quinquennat, François Hollande s'est notamment démarqué de son prédécesseur en organisant sa "grande conférence sociale", au Palais d'Iéna, et non à l'Elysée. Tout un symbole de la négociation à la sauce hollande.

"Moi, président de la République, j’engagerai de grands débats, on a évoqué celui de l’énergie". Le 14 septembre, François Hollande inaugurait en personne la conférence environnementale dans un discours jugé ambitieux par les écologistes. Le lendemain, Jean-Marc Ayrault détaillait la feuille de route pour mettre en œuvre la "transition écologique". Affaire à suivre.
 

# LES ENGAGEMENTS DÉJÀ MALMENÉS 

"Moi, président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Elysée". Ce n’est qu’en partie, vrai. François Hollande, qui a été premier secrétaire du PS pendant 11 ans, a suivi de très près la succession de Martine Aubry à Solférino. En coulisses, le président a su imposer Harlem Désir contre Jean-Christophe Cambadélis, pourtant préféré par la maire de Lille. Par contre, François Hollande n'a jamais organisé de grand  "raout parlementaire" à l'Elysée, comme Nicolas Sarkozy avait pris l'habitude de le faire. Ce qui ne l'empêche pas de recevoir individuellement et en toute discrétion, tel ou tel député ou sénateur pour "sonder" sa majorité et prendre le pouls du pays, selon les informations recueillies par Europe 1.

 

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"Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire". François Hollande en avait fait un argument de campagne contre Nicolas Sarkozy. Oui, il aspirait à être un président "normal". Exemplaire. Loin du Fouquet's tant reproché à son prédécesseur. Las, le 12 juin, tout ça était terminé. Le tweet ravageur envoyé par Valérie Trierweiler en soutien à Olivier Falorni, candidat dissident dans la première circonscription de La Rochelle contre Ségolène Royal, a eu l'effet d'une bombe. Et a ruiné en quelques secondes l'exemplarité et la "normalité" promises par le candidat Hollande.
 

"Moi, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres". Le 17 mai, lors du premier Conseil des ministres, les 34 membres du gouvernement Ayrault ont signé une charte de déontologie (pour la relire, cliquez ici). "Les membres du gouvernement sont au service de l’intérêt général. Ils doivent, non seulement faire preuve d’une parfaite impartialité, mais encore prévenir tout soupçon d’intérêt privé, peut-on lire dans le chapitre "impartialité". C'est justement sur ce chapitre qu'une polémique a éclaté, fin août, lors du choix par Bercy de la banque d'affaires Lazard comme conseil du gouvernement pour la création de la future Banque publique d'investissement. Or, l'établissement est dirigé par Matthieu Pigasse, propriétaire des Inrockuptibles pour lequel travaille la compagne d'Arnaud Montebourg, Audrey Pulvar. Le ministre du Redressement productif a toujours démenti toute implication dans ce choix. Il n'empêche, la charte de déontologie en a pris un coup.

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"Moi, président de la République, je ne m’occuperai pas de tout". C'est de moins en moins vrai. Le président multiplie les déplacements et apparaît sur tous les fronts que ce soit l'emploi (PSA, Doux) ou la sécurité. Le 2 octobre, le chef de l'Etat s'est par exemple rendu avec son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, à Echirolles, près de Grenoble, après le meurtre à l'arme blanche de deux jeunes. Un déplacement qui n’est pas sans rappeler ceux effectués sous la présidence Sarkozy. François Hollande, qui voulait "prendre de la hauteur" a aussi décidé de monter au front, après une chute vertigineuse dans les sondages. Un changement de cap annoncé le 9 septembre, sur TF1, où il s’est présenté comme un président "en première ligne" qui se doit de "donner le rythme et les étapes". "François Hollande a été rattrapé par la logique du quinquennat", en conclut un journaliste d'Europe 1.
 

 # LES ENGAGEMENTS EN CHANTIER

"Moi, président de la République, j’aurai aussi à cœur de ne pas avoir de statut pénal du chef de l’Etat, je le ferai réformer...". François Hollande a demandé à la commission Jospin, nommée en juillet, de réfléchir à cette question. A mi-parcours, l'ancien Premier ministre avait indiqué qu'il recommanderait, dans ses conclusions, une profonde réforme du statut juridictionnel du chef de l'Etat. Réponse, vendredi, jour où la commission rendra son rapport.
 

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"Moi, président de la République, j’introduirai la représentation proportionnelle pour les législatives de 2017". Cet engagement fait aussi partie des missions confiées à la commission Jospin dont les conclusions sont attendues vendredi.
 
"Moi, président de la République, je ferai un acte de décentralisation". Le 5 octobre, François Hollande a annoncé que le gouvernement présenterait "au début de l'année 2013" un projet de loi sur la décentralisation. Des paroles, donc, on attend les actes.
 

# LES ENGAGEMENTS QUI RESTENT A TESTER 

"Moi, président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante, je ne nommerai pas les membres du parquet alors que l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature n’a pas été dans ce sens".

"Moi, président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes publiques, je laisserai ça à des instances indépendantes".
  

"Moi, président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fond pour mon propre parti dans un hôtel parisien".

>> Pour l'éditorialiste Caroline Roux, le "hollandisme" reste à définir :