Hollande, la revanche du "président normal"

Hollande, ex-outsider, premier socialiste à l'Elysée depuis Mitterrand
Hollande, ex-outsider, premier socialiste à l'Elysée depuis Mitterrand © CAPTURE ECRAN INA
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Hélène Favier , modifié à
PORTRAIT - 31 ans après François Mitterrand, un socialiste accède à l'Elysée.

"Flanby", "Babar", "le capitaine de pédalo" et l’ami de "Madame Dugenou". François Hollande, affublé d’une myriade de sobriquets pendant la campagne, tient dimanche soir sa revanche, en devenant, à 57 ans, le 7e président de la République française.

Le 31 mars 2011 pourtant, peu aurait misé sur les chances de l’élu de Corrèze, quand, de Tulle, il se lançait dans la course à l’Elysée. Mais François Hollande a, la force du poignet, su balayé par son travail et sa détermination une image d'outsider. Petit à petit, il a su convaincre et déjouer les pronostics.

"L'adhésion est venue progressivement", reconnaît lui-même, François Hollande, longtemps distancé dans les sondages par Dominique Strauss-Kahn. Le flamboyant patron du FMI ayant écrasé le paysage politique de la gauche, jusqu'au 14 mai, jour de son arrestation à New York pour agression sexuelle.

Assumant l'habit d'"anti-héros" dont l'a affublé le journal espagnol El Pais, François Hollande n’a eu de cesse depuis de mettre en avant son côté "normal", posant dans Le Parisien, au volant de son scooter.

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"Le prochain chef de l'Etat doit être l'inverse de Nicolas Sarkozy", a-t-il ainsi martelé durant toute la campagne, vantant les qualités d’"une présidence modeste pour celui qui l'exerce, ambitieuse pour le pays".

"Il a accompli sa mue et forgé son destin"

Pendant deux ans, il a sillonné le pays et travaillé à changer son image. L'homme affable, qui fuit le conflit, a voulu se montrer solide, "tenace", sa principale qualité selon son ami, l'ex-ministre Michel Sapin.

Car la présidence est pour François Hollande une affaire de symboles, et l'accession au pouvoir une question de volonté personnelle. Coaché par sa compagne, la journaliste politique Valérie Trierwieler, il a perdu plus de dix kilos et arrêté les blagues intempestives, lui qui était connu pour son humour cinglant.

"Il a accompli sa mue et forgé son destin", a expliqué l'ex-Premier ministre Lionel Jospin, qui avait cédé les rênes du Parti socialiste à François Hollande en 1997 (pour 11 ans) et l'avait "étroitement associé à toutes les prises de décision". Une façon de dire que l'inexpérience gouvernementale du candidat socialiste n'est pas un handicap.

Obama non plus n'avait "jamais gouverné" avant d'être président, a aussi rappelé l'intéressé, mettant en avant ses mandats électifs : maire, député ou président du département de Corrèze.

Un rassembleur "culoté"

Son goût du consensus, qui confine à l'indécision pour ses détracteurs, sera un atout pour "rassembler", estiment désormais ses proches, qui voient en lui "le meilleur de sa génération".

"La détermination" et "le culot" sont également à mettre à son crédit, selon son entourage qui rappelle qu’âgé de 26 ans seulement, fraîchement arrivé dans l'équipe de François Mitterrand, François Hollande n’avait pas hésité à aller affronter Jacques Chirac en Corrèze, aux législatives de 1981.

Battu d'avance, François Hollande était allé provoquer le baron de la droite, en faisant irruption lors d'un meeting de Jacques Chirac. "Je suis François Hollande, monsieur le Premier ministre, je suis conseiller à la Cour des comptes et le candidat du PS. Je suis celui que vous comparez au labrador de Mitterrand…", avait-il lancé à la foule médusée.

Un ambitieux pudique

François Hollande a construit son ambition peu à peu. Né à l'été 1954 dans une famille de la bourgeoisie de province, à Rouen, il a enchaîné les grandes écoles. Puis, à l'ENA, creuset de l'élite politique française, il a rencontré Ségolène Royal, qui sera sa compagne pendant 25 ans et la mère de ses quatre enfants. 

C'est elle qui entrera au gouvernement, elle qui endossera les habits de candidate en 2007. Il est alors contraint de rester dans l'ombre. Dimanche après sa victoire, elle a été l'une des premières à faire part de "son émotion" et à saluer celui qui n'a jamais "dévié de son cap, de sa ligne".

Pudique, François Hollande ne parle jamais de ses blessures, de sa famille. De ce père médecin à l'humeur orageuse proche de l'extrême droite, de cette mère assistante sociale plutôt rangée à gauche, dont la mort en 2009 l'a désemparé alors qu'il traversait un vide politique après avoir quitté la tête du PS.

Hollande est "insaisissable", résume son fils aîné Thomas, qui y voit la marque d'un "homme libre", un "stratège" qui veut comprendre les gens mais aussi avoir un coup d'avance. Il a pris une autre dimension", confiait aussi une semaine avant son élection Valérie Trierweiler.

 Dimanche 6 mai, il est devenu le 7e président de la République française.