Hollande-Mélenchon, ils se sont tant déchirés

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Fabienne Cosnay , modifié à
VIDÉO - Entre les deux candidats, le passif est lourd. Les congrès du PS ont laissé des traces.

Ils ne se sont pas parlé directement depuis des mois. Leur dernier contact téléphonique remonte à septembre dernier, juste avant la Fête de l’Humanité. Jean-Luc Mélenchon et François Hollande se connaissent pourtant très bien. "On se pratique depuis 30 ans", avait confié le candidat du Front de gauche à David Pujadas, alors qu'il était invité de l’émission Des Paroles et des actes.

"Jean-Luc aime les idées, Hollande l’efficacité"

Aujourd’hui, leurs relations ne sont pas au beau fixe. Ce qui n’a rien de nouveau. Car entre les deux candidats, le passif est lourd. Au fil des années et des congrès, leurs relations se sont détériorées. Une question de tempéraments, d’abord. "Ils n’ont ni le même parcours ni la même formation. Pour Jean-Luc, François est la quintessence de ce qu’il déteste chez les énarques. Il va vite et passe d’un sujet à l’autre", confiait dans les colonnes du JDDun de leurs amis communs. "Jean-Luc aime les idées, Hollande l’efficacité", résume Laure Rossignol, également proche des deux hommes, contactée par Europe1.fr. "Ils n’auront jamais la même façon de faire de la politique", assure la secrétaire nationale du PS chargée de l'environnement.

1997 - La trahison du Congrès de Brest

La première blessure remonterait au Congrès de Brest, en novembre 1997. Jean-Luc Mélenchon et François Hollande s’affrontent par motions interposés pour l’élection du poste de premier secrétaire. Pour dissimuler des soupçons de fraudes lors du vote dans les sections socialistes, Jean-Luc Mélenchon et François Hollande avaient convenu d’un "accord", selon le candidat du Front de gauche. "On l'a arrangé comme on dit, lui 85 (%) moi 15 (%). Alors lui, il avait plus que sa motion au congrès et moi plus que la mienne, on s'est quittés bons amis en s'embrassant sur les joues", confiait Jean-Luc Mélenchon dans un témoignage filmé en 2009 par France24. Une vidéo déterrée récemment par le site 24heuresactu, classé à droite et qui a fait le buzz sur le Net.

De cet entretien, remonterait la rancune tenace de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de François Hollande. Car ce dernier n’aurait pas respecté les termes du pacte, donnant à Jean-Luc Mélenchon un score de 10,21% lors de l’annonce officielle des résultats. Une trahison jamais pardonné au camarade François. 

"C'est un homme qui aime jouer et ça l'a amusé de me voir humilié, de me voir fou de rage, ça le distrayait. Dans son cas, il s'agit d'un vice de cynique. Je lui ai dit que je ne lui pardonnerai jamais, vous voyez en effet je ne lui pardonne pas", confiait Jean-Luc Mélenchon dans cette même vidéo. Interrogé en marge d’un déplacement à Marseille le 15 mars 2012, le candidat du Front de gauche avait confirmé ses propos, tout en minimisant l’affaire. "Je dis ce qui était : il trichait comme un arracheur de dents. C’est des histoires de congrès socialistes, ça n’intéresse personne".

2004/2005 - La division sur le traité européen

Sept ans plus tard, le référendum sur le traité européen renforce un peu plus leurs divergences idéologiques et leurs rivalités personnelles. François Hollande, alors premier secrétaire, est un fervent partisan du oui, Jean-Luc Mélenchon, un farouche défenseur du non. Après la victoire du oui lors du référendum interne du PS, le 1er décembre 2004, François Hollande demande à ceux qui ont défendu le non au sein du PS de ne plus faire campagne publiquement. Jean-Luc Mélenchon passe outre les consignes et s’affiche dans les meetings aux côtés d’autres défenseurs du non, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot et José Bové.

François Hollande refusera de l’exclure du parti. Mais la campagne laissera des séquelles durables entre les deux hommes. "Je regrette - et le mot est faible - cette pusillanimité", écrira-t-il en 2009, dans son livre, Droit d’inventaires. Dans un billet de blog posté en 2011, Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche, revient sur des propos qu’aurait tenu François Hollande à cette période et qui auraient blessé Jean-Luc Mélenchon. "Je me souviens très bien de lui, disant en 2005, lors du grand débat sur le traité constitutionnel européen, ‘Le Pen n’a pas besoin de faire campagne pour le non, d’autres le font à sa place…’ Il parlait de nous par cette injure. Cette phrase, blessante, je l’avais prise comme un crachat sur la magnifique campagne que nous menions. Je sais qu’elle avait aussi marqué Jean-Luc, indigné qu’il ose ainsi parler de nous", écrit le conseiller de Jean-Luc Mélenchon.

2008 - Mélenchon quitte Hollande et le PS

En 2007, la rupture se prépare. Jean-Luc Mélenchon est très critique envers la campagne présidentielle de Ségolène Royal. Il n’épargne pas non plus François Hollande à qui il reproche "une dérive libérale" du parti. Le Congrès de Reims est l’occasion pour lui de prendre son envol. "Il ne trouvait plus sa place dans les différents scénarios", indique Laurence Rossignol. Le 7 novembre 2008, après le premier tour du Congrès qui a placé la motion de Ségolène Royal en tête, Jean-Luc Mélenchon annonce qu’il quitte le PS pour créer son Parti de gauche.

Depuis, les deux anciens camarades sont devenus candidats à la présidentielle. Mélenchon, qui s’est longtemps senti méprisé par le premier secrétaire du PS, ne ménage pas son ancien camarade depuis le début de la campagne. "Il veut aujourd’hui lui montrer qu’ils jouent dans la même cour", souligne Laurence Rossignol. François Hollande, lui, s’est donné une consigne : "ne pas attaquer ceux qu’il voudra rassembler après le premier tour", précise la sénatrice. Même quand Mélenchon le taxe de "capitaine de pédalo"

Les deux hommes arriveront-ils à se réconcilier entre les deux tours de la présidentielle ? "Leur terrain de rencontre n’est pas spontané", reconnaît Laurence Rossignol. Une manière de souligner la divergence entre les deux hommes. "Mais cette dimension personnelle ne sera pas déterminante pour la suite", pronostique la sénatrice de l’Oise. Car Mélenchon et Hollande partagent au moins un point commun : celui d’être des "politiques à sang froid",  dixit Laurence Rossignol.