«Trahi» par un «petit groupe d'individus» : l'affaire qui plonge Patrick Drahi et le groupe Altice dans la tourmente

Patrick Drahi et le groupe Altice sont dans la tourmente.
Patrick Drahi et le groupe Altice sont dans la tourmente. © ERIC PIERMONT / AFP
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Romain Rouillard / Crédit photo : ERIC PIERMONT / AFP
Le 13 juillet dernier, Armando Pereira, principal bras droit de Patrick Drahi, homme d'affaires franco-israélien propriétaire du groupe Altice, était interpellé puis écroué au Portugal pour corruption et blanchiment d'argent. Une menace judiciaire qui vient frapper de plein fouet un empire déjà fragilisé par une dette gargantuesque.

Patrick Drahi l'avait mauvaise ce lundi au moment de présenter les résultats du deuxième semestre pour l'entité Altice International, l'empire qu'il dirige, bâti autour des médias (BFMTV et RMC) et de la téléphonie (SFR), entre autres. Et la raison de son courroux dépassait largement le motif initial de la réunion du jour. Car il s'agissait de sa première prise de parole depuis l'incarcération au Portugal de son bras droit, Armando Pereira, accusé de corruption et de blanchiment d'argent. Patrick Drahi a affirmé avoir été "trahi" par "un petit groupe d'individus dont l'un de nos plus anciens collègues", faisait directement allusion à son plus fidèle lieutenant.

Ce dernier a été rattrapé par la patrouille le 13 juillet dernier au Portugal avant d'être libéré le 24 puis assigné à résidence dans l'attente de son jugement. Cet homme d'affaires de 71 ans aurait élaboré un montage financier s'appuyant sur plusieurs entreprises - appartenant à ses proches - qui se seraient vues accorder des privilèges dans l'attribution de certains marchés. Selon le journal lusitanien JN, ces entreprises off-shore seraient "une quarantaine" et auraient permis "la dissimulation de plus de 650 millions d'euros". 

Les investisseurs inquiets

Le fisc portugais soupçonne également Armando Pereira d'avoir touché des commissions via ces sociétés-écrans ainsi que des avantages en nature. Dans le viseur des autorités : un appartement situé à Neuilly-sur-Seine, dans la très chic banlieue ouest-parisienne, qui aurait été acquis via l'une de ces entreprises puis cédé à Tatiana Agova-Bregou, directrice exécutive des contenus du groupe et proche d'Armando Pereira. "Si les suspicions du fisc se révèlent vraies, cela voudrait dire qu'un petit groupe d'individus a caché ses actions et profité de certaines de nos acquisitions au détriment d'Altice et de ma réputation", a tonné Patrick Drahi ce lundi soir. 

Outre un éventuel préjudice moral, ce sont bien les conséquences financières qui inquiètent dans les hautes sphères du groupe. Car pour pérenniser ses activités, il est indispensable que les investisseurs continuent d'acheter les obligations émises sur les marchés. Or ces derniers n'affichent pas une confiance de tous les instants. Pour preuve, l'action Altice USA - seule entité toujours cotée en Bourse - s'est contractée de 7% ce lundi soir après la prise de parole de Patrick Drahi. Car la mise en cause d'Armando Pereira intervient alors que le groupe doit composer avec une dette colossale, estimée à environ 60 milliards d'euros. 

Cessions d'actifs et réduction des investissements

Et si les investisseurs décident de bouder les obligations du groupe, Altice devra emprunter davantage pour continuer de fonctionner. Et creuser ainsi ladite dette qui s'élève à 23,8 milliards euros, uniquement pour la branche française. Ce mardi, pour tenter de rassurer les investisseurs, Patrick Drahi a indiqué que sa "seule priorité" était d'alléger cette dette et promet, pour y parvenir, de céder des actifs (par exemple la vente des centres de données de SFR) et de réduire la voilure sur les prochains investissements. Reste à savoir également ce qu'il adviendra du pôle médias, qui mobilise des fonds importants, alors que l'impératif de désendettement apparaît de plus en plus pressant.