Venezuela : Maduro veut une réforme constitutionnelle, les opposants dénoncent une dérive autoritaire
Le président vénézuélien contesté, Nicolas Maduro, entend réformer la Constitution et alimente les craintes de l'opposition d'une dérive autoritaire comme au Nicaragua. Entre peines de 30 ans pour des délits politiques, interdiction à vie d'exercer des fonctions publiques, et jugements par contumace, les opposants dénoncent une dérive autoritaire.
Peines de 30 ans de prison pour des délits politiques, interdiction à vie d'exercer des fonctions publiques, jugements par contumace... Le président contesté Nicolas Maduro entend réformer la Constitution et alimente les craintes de l'opposition d'une dérive autoritaire comme au Nicaragua.
"Une grande réforme" pour "embellir" la Constitution, a promis Nicolas Maduro lors de sa prestation de serment vendredi pour un troisième mandat dénoncé par l'opposition qui revendique la victoire de son candidat Edmundo González Urrutia, contraint à l'exil.
Maduro a opté pour le vol de l'"élection" et "persécuter tous les opposants"
"Maduro voulait des élections à la Hugo Chavez (ex-président de 1999 à 2013) porté par la foule" mais "comme ça n'a pas fonctionné, il a opté pour le modèle de Daniel Ortega, qui consiste à voler une élection et à persécuter tous les opposants", a déclaré à l'AFP Arturo McFields, ancien ambassadeur du Nicaragua auprès de l'Organisation des Etats américains (OEA).
Daniel Ortega, ancien guérillero de 79 ans qui a dirigé le Nicaragua dans les années 1980 et est redevenu président depuis 2007, a réformé une douzaine de fois la Constitution pour permettre notamment un nombre illimité de mandats. Il a établi fin novembre un nouveau projet de réforme constitutionnelle lui donnant, ainsi qu'à son épouse Rosario Murillo qui deviendra co-présidente, le contrôle absolu de tous les leviers de l'Etat.
Ils sont accusés par les Etats-Unis, l'Union européenne et les pays d'Amérique latine d'avoir instauré une autocratie au Nicaragua, où des centaines d'opposants ont été arrêtés, contraints à l'exil ou déchus de leur nationalité, à l'instar de M. McFields.
"Voici le héros, voici le révolutionnaire Nicolas Maduro, voici Chavez, voici Bolivar" (né au Venezuela et figure emblématique de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud), s'est exclamé vendredi à Caracas Daniel Ortega, rare chef d'Etat, avec le président cubain Miguel Diaz-Canel, invité à la prestation de serment de Maduro, où figurait également le président de la Douma russe, Viatcheslav Volodine.
Vers "le chemin pour une 'nicaraguaïsation' du Venezuela"
Nicolas Maduro a demandé aux députés d'"accélérer" l'adoption d'un ensemble de lois destiné à "préserver la paix" après les manifestations contre sa réélection fin juillet qui ont fait 28 morts, près de 200 blessés et ont donné lieu à plus de 2.400 incarcérations. Il a accusé l'opposition d'être responsable des décès et dénoncé un complot dirigé par les Etats-Unis, qui imposent de lourdes sanctions économiques au Venezuela pour provoquer la chute de Maduro.
L'Assemblée nationale aux mains du pouvoir a approuvé en novembre une loi qui prévoit des peines de 25 à 30 ans de prison pour "toute personne qui promeut, incite à, sollicite, invoque, favorise, facilite, soutient ou participe à" l'adoption de sanctions internationales contre le Venezuela.
"Malheureusement, se pave ici le chemin pour une 'nicaraguaïsation' du Venezuela", souffle Ali Daniels, directeur de l'ONG "Accès à la Justice", lors d'une rencontre avec les correspondants de la presse internationale. Selon lui, le paquet de lois en préparation "aggravera encore" la situation des opposants politiques et fermera les espaces que maintient ouverts, tant bien que mal, la société civile.
L'autorisation de jugements par contumace, qui selon M. Daniels sont interdits par l'actuelle Constitution, sont également dans les cartons, comme l'interdiction pour 60 ans d'exercer des fonctions publiques et des amendes dépassant l'équivalent d'un million de dollars.
Une "loi contre le fascisme" figure à l'ordre du jour de l'Assemblée
Comme au Nicaragua, le Parlement a adopté une loi obligeant les organisations non gouvernementales à déclarer leurs sources de financement, en particulier si les fonds proviennent de l'étranger.
En vertu de cette loi, plus de 5.600 ONG ont dû cesser leurs activités au Nicaragua. "Elle formalise la persécution des organisations de la société civile", estime Oscar Murillo, coordinateur de l'ONG de défense des droits de l'homme Provea.
Figure également à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une "loi contre le fascisme", qui entend interdire les partis politiques promouvant des activités fascistes.
"Nous sommes tous contre le fascisme, le problème est que le gouvernement a tendance à qualifier de 'fascistes' ses opposants", alerte M. Daniels qui dénonce "l'ambiguïté" de ces projets de lois.