Venezuela : la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado «arrêtée» après la manifestation
Maria Corina Machado, cheffe de l'opposition vénézuélienne, a été arrêtée alors qu'elle quittait la manifestation contre l'investiture du président Nicolas Maduro à Caracas. Elle est apparue ce jeudi pour la première fois en public depuis fin août.
La cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, apparue jeudi pour la première fois en public depuis fin août, a été arrêtée alors qu'elle quittait la manifestation contre l'investiture du président Nicolas Maduro à Caracas, a affirmé une source au sein de l'opposition proche de Mme Machado, 57 ans.
"Tout le Venezuela est dans la rue, nous n'avons pas peur !"
Quelques minutes auparavant, son équipe avait annoncé sur X qu'elle avait été "violemment interceptée à sa sortie de la manifestation" en moto. Selon le message sur X, des coups de feu ont été tirés sur le cortège de motos qui l'accompagnaient.
Elle avait envisagé une éventuelle arrestation, confiant lundi à l'AFP: "Si quelque chose m'arrive, la consigne est très claire (...), personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté". Elle avait aussi assuré ne vouloir "manquer pour rien au monde (le) jour historique" de la manifestation.
Lors des dernières grandes manifestations en août, Maria Corina Machado, 57 ans, apparaissait subitement à un coin de rue pour monter sur un camion-podium, haranguait la foule puis disparaissait rapidement en moto pour échapper à une arrestation. Les forces de l'ordre semblent avoir contré jeudi ce modus operandi.
Jeudi, elle était une nouvelle fois arrivée en camion vêtue de blanc et brandissant un drapeau vénézuélien et avait prononcé un court discours dans lequel elle avait lancé: "Tout le Venezuela est dans la rue, nous n'avons pas peur ! À partir d'aujourd'hui, nous entrons dans une nouvelle phase. Le Venezuela est libre, nous allons continuer !"
"Je laisserai ma peau sur l'asphalte pour mes enfants"
Les autorités avaient massivement déployé les forces de l'ordre dans le pays, particulièrement dans la capitale. "Je laisserai ma peau sur l'asphalte pour mes enfants, mais cela en vaudra la peine, car le Venezuela sera libre !", affirmait avant l'arrestation Rafael Castillo, 70 ans.
Concluant à Saint-Domingue une tournée internationale, l'opposant Edmundo Gonzalez Urrutia, qui revendique la victoire à la présidentielle, a réclamé la "libération immédiate" de Maria Corina Machado. "Nous nous verrons tous très bientôt à Caracas, en liberté", a-t-il lancé.
"Le seul président élu dans ce pays est Nicolás Maduro, le peuple l'a élu et le peuple le soutient", a estimé quant à lui Noeli Bolivar, 28 ans, qui participe à la marche "pour la paix" en faveur du président, organisée par le pouvoir, qui comme celle de l'opposition a rassemblé des milliers de supporteurs.
Brandissant des drapeaux du Venezuela et portant souvent des vêtements rouges, les partisans du pouvoir, parmi lesquels le ministre de l'Intérieur, Diosdado Cabello, sont partis de l'est de Caracas pour rallier le centre-ville. Des marches similaires ont eu lieu à travers le pays, selon des images de la télévision publique.
Les forces de sécurité ont procédé à de nombreuses arrestations ces derniers jours
L'opposition revendique la victoire d'Edmundo Gonzalez Urrutia à la présidentielle. Elle assure que les procès-verbaux des bureaux de vote qu'elle a recueillis prouvent que l'ancien diplomate a remporté le scrutin haut la main - plus de 67% des voix - face à "un régime qui se sait battu" et isolé sur le plan international.
Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé le président sortant vainqueur du scrutin avec 52% des voix, mais sans publier les procès-verbaux, se disant victime d'un piratage informatique. Une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs. L'annonce du CNE avait provoqué des manifestations dans tout le pays, durement réprimées. Les troubles post-électoraux se sont soldés par 28 morts, plus de 200 blessés, et 2.400 personnes arrêtées pour "terrorisme".
Les forces de sécurité ont procédé à de nombreuses arrestations ces derniers jours : quelque 150 personnes, dont un présumé responsable du FBI (police fédérale américaine) et un militaire américain, selon Nicolas Maduro, qui a évoqué une "agression" financée par les États-Unis.
Washington, qui ne reconnaît pas la victoire de Nicolas Maduro, a qualifié de "catégoriquement fausse" toute accusation de participation "à un complot visant à renverser Maduro", selon un porte-parole du département d'État. L'ONU s'est dite "profondément inquiète" jeudi de la détention d'opposants politiques et notamment celle de Carlos Correa, a écrit Volker Türk, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme.
Le respecté Carlos Correa, directeur d'une ONG réputée de défense des droits humains, Enrique Marquez, figure de l'opposition vénézuélienne, et le gendre de M. Gonzalez Urrutia font partie des personnes arrêtées. Exilé en Espagne depuis septembre, M. Gonzalez Urrutia termine en République dominicaine une tournée qui l'a notamment mené à la Maison Blanche.
Il avait envisagé d'aller à Caracas vendredi pour prêter serment à la place de Nicolas Maduro, un projet jugé "improbable" par des observateurs. L'arrestation de Mme Machado va sans doute le conduire à revoir ses plans. Les autorités vénézuéliennes, qui ont promis une récompense de 100.000 dollars pour l'arrestation M. Gonzalez Urrutia, ont menacé de prison ceux qui l'accompagneraient, affirmant qu'elles réagiraient comme face à une "force d'invasion".