Trump taxe l’acier et l’aluminium et fait planer la menace d’une "guerre commerciale"

© MANDEL NGAN / AFP
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Le président américain a annoncé jeudi qu’il allait augmenter certaines taxes à l’importation, provoquant l’ire de ses partenaires commerciaux.

Donald Trump n’a pas peur d’une guerre commerciale. "Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner", a tweeté le président américain vendredi. La veille, il annonçait, à la surprise  mondiale, une hausse drastique des tarifs douaniers à l’importation d’acier et d’aluminium, suscitant l’ire de ses principaux partenaires commerciaux, Canada et Corée du Sud en tête, mais aussi l’Union européenne. Face aux menaces de "contre-mesures" de ceux-ci, le président américain est monté d’un cran, vendredi, les menaçant de "taxes réciproques". Quelles seront les conséquences de cet élan protectionniste de Donald Trump ? Europe1.fr fait le point.

De quoi parle-t-on exactement ?

Donald Trump a annoncé jeudi qu'il allait durement augmenter les taxes sur les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis. "Je promulguerai ces mesures la semaine prochaine", a affirmé le président américain lors d'une rencontre à la Maison Blanche avec des producteurs d'acier et d'aluminium américains. "Et elles seront appliquées pour longtemps", a-t-il souligné. Le président américain a évoqué des tarifs douaniers de 25% pour l'acier et de 10% pour l'aluminium, sans toutefois spécifier quels pays seront visés.

"Quand un pays taxe nos produits disons à 50% et que nous taxons à ZERO le même produit qui entre dans notre pays, ce n'est pas équitable ni intelligent", a-t-il ensuite tweeté vendredi. "Nous allons bientôt imposer des taxes réciproques pour que nous puissions imposer la même chose qu'ils nous imposent. Avec un déficit commercial de 800 milliards de dollars, nous n'avons pas le choix", a-t-il renchéri, se gardant encore de cibler un pays en particulier.

Les principaux fournisseurs des Etats-Unis sont le Canada (16%), le Brésil (13%) et la Corée du Sud (10%). En Europe, le principal partenaire des Etats-Unis pour ces secteurs est l’Allemagne, d’où l’Oncle Sam importe notamment 3,8% de son acier.

Pourquoi Donald Trump annonce-t-il cela ?

"Vous devrez reconstruire vos industries", a indiqué Donald Trump à l'intention des industriels américains, ajoutant que les importations à bas prix aux Etats-Unis "détruisent nos entreprises et nos emplois". En effet, la production d’acier et d’aluminium américaine a entamé depuis quelques années une baisse qui semble inexorable, entraînant de nombreuses destructions d’emplois. Trois fonderies d’aluminium emblématiques du pays ont fermé en l’espace d’un an. "Il ne restait que cinq fonderies actives en mars 2016, dont la production s’établissait bien en-deçà de leurs capacités", relatait récemment l’ambassade de France aux Etats-Unis. Donald Trump veut ainsi fragiliser la concurrence internationale pour favoriser les entreprises américaines. "C’est un premier grand pas en avant", a d’ailleurs salué dans le New York Times Richard Trumka, patron d’AFL CIO, la principale organisation syndicale du privé.

" L'Union européenne va réagir fermement pour défendre ses intérêts "

Aussi, selon divers observateurs, Donald Trump semble céder à une partie de ses conseillers particulièrement méfiants envers la Chine. L’Empire du milieu est actuellement au cœur d’enquêtes lancées par Washington, qui soupçonne Pékin de vendre son acier et son aluminium à prix cassés, en soutenant son industrie à coup d’argent public. Or, le commerce avec la Chine semble prendre une place de plus en plus importante à mesure que la production américaine diminue : selon le lobby des industriels américains de l’aluminium, les imports de produits en aluminium semi-transformé chinois ont augmenté de 181% entre 2012 et 2015.

Comment réagissent les partenaires des Etats-Unis ?

Reste que l’annonce du président américain a presque laissé de marbre le rival chinois. Pékin s’est abstenu d'évoquer d’éventuelles mesures de rétorsion, se contentant d'appeler les Etats-Unis à "réfréner leur recours à des mesures protectionnistes".

Les autres partenaires des Etats-Unis, en revanche, se sont montrés beaucoup plus virulents. L'Union européenne "va réagir fermement et proportionnellement pour défendre (ses) intérêts", a par exemple rétorqué le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, ajoutant que la Commission présenterait "dans les prochains jours une proposition de contre-mesures contre les Etats-Unis". Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a pour sa part prévenu qu'une guerre commerciale "ne fera que des perdants". Si de telles mesures étaient confirmées, elles auraient "un impact majeur" sur l'économie européenne, a-t-il mis en garde.

" Une guerre commerciale ne serait dans l'intérêt de personne "

Du côté du Canada, premier partenaire commercial de Washington, le ministre du Commerce international François-Philippe Champagne a prévenu que toute éventuelle taxe douanière imposée par les Etats-Unis serait "inacceptable". "L'OMC est clairement préoccupée par l'annonce des plans américains concernant les droits de douanes sur l'acier et l'aluminium", a renchéri le patron de l’Organisation mondiale du commerce, Roberto Azevedo, dans une très rare déclaration écrite. "Une guerre commerciale ne serait dans l'intérêt de personne", a-t-il fait valoir.

Quels risques pour le commerce mondial ?

Les principaux pays partenaires des Etats-Unis, Canada et Corée du Sud en tête, seraient les premiers touchés par une éventuelle taxe généralisée à l’ensemble des pays importateurs. Ces derniers vendraient leur acier plus cher, au risque de perdre de nombreux clients dans des secteurs clés tels que l’armement ou l’industrie automobile. Et s’ils venaient à prendre des mesures de répressions envers les produits américains, comme l’a sous-entendu le Canada, c’est la croissance mondiale qui risquerait d’être fragilisée.

La consommation américaine elle-même risque aussi d’être fragilisée : selon de nombreux observateurs, le marché américain est loin de produire assez pour compenser une éventuelle baisse des importations. Résultat, l’acier et l’aluminium risquent de se faire plus rares, et les prix devraient augmenter. Le constructeur automobile Toyota a ainsi déjà mis en garde contre une augmentation considérable "des prix des voitures et camions vendus en Amérique", s'il n'est plus en mesure d'y importer de l'acier bon marché.

En Europe, c’est l’Allemagne, qui exporte 4% de l’acier utilisé aux Etats-Unis, qui a le plus à perdre. Mais les économies européennes étant liées, une baisse de l’activité sidérurgique allemande risque d’affecter l’ensemble du commerce européen. Aussi, comme ils l’avaient fait après des mesures similaires prises par l’administration Bush en 2002, les pays européens risquent eux-aussi de contre-attaquer en taxant l’acier et l’aluminium américain, voire même d’autres produits. En 2002, l’Europe avait par exemple taxé des jus de fruits, des lunettes et du textile après des mesures américaines prises pour "sauver" la sidérurgie locale, comme le rappelle Le Monde de vendredi.

Preuve que les annonces de Trump font peser une menace sur l’ensemble du commerce mondial, toutes les places boursières de la planète ont viré au rouge. Wall Street, qui avait déjà perdu 1,72% jeudi, a ouvert en forte baisse vendredi perdant 1,35% après quelques minutes d'échanges. Tokyo a lourdement chuté de 2,50% en clôture vendredi, Hong Kong et les Bourses de Chine continentale accusant également le coup tandis que les places européennes évoluaient aussi en territoire négatif. Le dollar s'inscrivait aussi en baisse vendredi.