La plupart des djihadistes libérés par le Mali avaient été capturés dans le cadre de l'opération Barkhane. 1:55
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Romain David
La libération de l'otage française Sophie Pétronin s'est faite en échange de la remise en liberté de plus d'une centaine de djihadistes, à l'initiative du gouvernement malien. Pour notre spécialiste des questions de terrorisme, le reporter Didier François, cette initiative contredit profondément la stratégie adoptée dans la région avec l'opération Barkhane.
ANALYSE

Les images des retrouvailles de Sophie Pétronin avec son fils ont fait le tour des journaux télévisés, des chaînes d’information et d’Internet. Retenue depuis fin 2016 par des djihadistes au Mali, cette humanitaire française de 75 ans a été libérée le 8 octobre au côté du chef de file de l’opposition malienne, Soumaïlia Cissé. En échange, plus d’une centaine de djihadistes condamnés ou présumés étaient relâchés par Bamako.

La stratégie militaire depuis 2014 se retrouve en porte-à-faux

Pour Didier François, grand reporter d’Europe 1, spécialiste des questions de terrorisme et lui-même ancien otage en Syrie, les négociations ouvertes par le Mali avec les preneurs d’otage, suivies de cette libération massive de djihadistes, se mettent en porte-à-faux de la stratégie adoptée depuis 2014 avec le lancement de l’opération Barkhane. "La plupart des djihadistes libérés avaient été capturés par des soldats français qui avaient pris des risques considérables. On a perdu des hommes en opération, on a eu des blessés pour arrêter ces gens", pointe-t-il.

"Que l’on discute d’échanger un ou deux prisonniers est une chose, mais que le gouvernement malien décide de rentrer dans des négociations à ce niveau change singulièrement la donne", estime Didier François. "On ne peut pas faire ça d’un côté et de l’autre demander à la force Barkhane de mener les combats dans une opération d'attrition, tuant une centaine de djihadistes par mois pour tenir la situation."

"Un mauvais signal envoyé à la lutte contre le terrorisme"

D’autant que le sommet de Pau de janvier 2020, réunissant la France et ses homologues du G5 Sahel, avait aboutit à un renforcement de cette stratégie, avec notamment l’envoi d’effectifs supplémentaires pour Barkhane. "Ce coup d’accélérateur à permis d’engranger des résultats dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger). Des acquis ont été obtenus et voilà que cette décision tombe dans ce contexte", observe également le journaliste Seidik Abba, spécialiste des questions djihadistes et africaines. "C’est un mauvais signal envoyé à la lutte contre le terrorisme", conclut-il.