Irak 3:35
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Gwendoline Debono, à Kerbala (Irak), édité par , modifié à
Rencontrés par Europe 1, les responsables des milices pro-iraniennes en Irak racontent comment ils ont vécu la frappe américaine qui a tué le général Qassem Soleimani, il y a une semaine. Depuis, les tensions continuent de grimper et les soldats se tiennent prêts à la riposte.
REPORTAGE

Kerbala, en Irak. C'est là, dans cette ville sainte pour les chiites, à une heure de route au sud de Bagdad, qu'Europe 1 a pu rencontrer deux membres des milices pro-iraniennes. Depuis le raid américain qui a tué le général iranien Ghassem Soleimani, ainsi que leur chef Abou Al Mahdi al Mohandes, il y a neuf jours, les responsables de ces milices soutenues et financées par l’Iran dans le pays s'expriment peu, alors que les tensions entre les deux pays ont continué de grimper avec le lancement de missiles sur des positions américaines en Irak, dans la nuit de mardi à mercredi.

"Ils étaient sur la ligne de front"

La mission de la mobilisation populaire, le nom donné à ces milices ? La lutte contre l'État islamique. Lorsque l'on arrive à Kerbala, on voit d'ailleurs des centaines de portraits aux couleurs passées, ceux des miliciens tués dans la bataille contre le groupe terroriste. Leur nombre donne une idée de leur poids dans la ville sainte du chiisme. Sur la route sont venus s’ajouter ceux de Qassem Soleimani et d'Al Mohandes, le patron des milices irakiennes.

"Qassem Soleimani et Haj Abou Mahdi étaient sur les lignes de front avec nous", raconte Abou Bakr al Assadi, commandant de la 9e brigade, composée de plus d’un millier d’hommes, que l’Iran a conseillé et équipé. "C’est pour ça que lorsqu'on a appris la nouvelle, on a ressenti une immense peine. Mais à la fin, on s'y attendait, c’est comme ça qu’ils devaient terminer. Des choses positives arriveront grâce au sang qu’ils ont versé. Mais tous les hommes dans la résistance, du plus petit des soldats au plus grand des chefs, savent désormais qu’ils sont une cible pour l’ennemi américain."

La frappe américaine a donc instillé la méfiance chez les miliciens : nous avons pour ordre de ne prendre aucune photo, contrairement à l’usage. Et beaucoup ont changé de téléphone. Les leaders voient des espions partout, explique une source. Ils se méfient même de leurs gardes du corps. En revanche, dans leur bureaux, c'est le calme qui domine chez ces responsables des milices pro-iraniennes, loin de l’hystérie des foules.

"Partez d’ici, sans faire la guerre !"

À l’opposé, Hussein al Asadi, de la brigade des Soldats de l’imam, pèse chacun de ses mots. Les 5.000 hommes que comptent sa brigade sont postés au nord de Bagdad, non loin de positions américaines. Elles sont à portée de roquettes. "On aurait pu réagir dans l’instant, disons, en moins de six heures. Ce n’est pas difficile pour nous de cibler les militaires américains dans leurs bases. Mais non, tous nos pas sont soigneusement réfléchis. Prendre une décision sous le coup de la peine et la colère n’est jamais sage", mesure le responsable.

"Après ce qu’ils ont fait, nous les considérons désormais comme des terroristes", poursuit Hussein al Asadi. "Donald Trump a franchi une nouvelle étape. S’il devait y avoir une confrontation militaire, notre réponse se dirigerait sur les bases américaines. Moi je leurs dis 'partez d’ici, sans faire la guerre !'" Le milicien tient à préciser que le message vaut pour toutes les forces de la coalition présentes en Irak, militaires français compris.

Pour eux, le retrait des troupes étrangères n'est pas négociable. Mais ils ciblent également les jeunes manifestants qui réclament depuis trois mois une refonte du système politique irakien. Ils dénoncent les milices et la mainmise de l’Iran dans leur pays et certains se sont réjouis de la mort du général Soleimani. "Les manifestants aujourd'hui ne sont plus à nos yeux des manifestants, ils ne sont qu’un instrument des plans américain sur le terrain irakien", raconte l'un des commandants. "Ils essayent de contrer la décision du parlement de mettre les forces américaines dehors, donc on doit les en empêcher."