Le port de Beyrouth était le cœur de l'économie libanaise mais aussi une plaque tournante de la contrebande. 1:15
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Pierre Herbulot édité par Guilhem Dedoyard
Les deux explosions qui ont dévasté plusieurs quartiers de Beyrouth prennent leur origine dans le quartier du port. Ce haut lieu de l'économie du Liban, géré par un groupe privé, est aussi un symbole de la corruption qui règne dans le pays et notamment de l'influence du Hezbollah. 

Un entrepôt oublié avec 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port. C'est le point de départ présumé des deux explosions meurtrières de Beyrouth. Le port est un lieu fortement symbolique puisqu'il incarne à la fois l'économie du Liban, grâce aux huit millions de tonnes de marchandises qui y transitent chaque année, mais aussi une plaque tournante du marché noir et de la contrebande, symbole de la corruption.

"Le port, c'est surtout le Hezbollah"

Un chef d'entreprise le confirme, les pots-de-vins y sont réguliers pour faire disparaître les taxes douanières. En particulier, parce que la gestion du port a été confiée à un groupe privé. Selon Rabih El Chaer, avocat et dirigeant de l'ONG anticorruption Sakker El Dekkene, (ferme l'épicerie), l'Etat libanais "est infiltré par des mafias qui mettent leurs mains sur des secteurs particuliers".

Dans le cas du port, "c'est surtout le Hezbollah" qui est aux manettes, comme l'explique Rabih El Chaer. Le parti politique, proche de l'Iran, est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis. "C'est très stratégique pour faire passer ses armes et ses munitions et alimenter ce que le Hezbollah appelle sa résistance". Saad Hariri, Premier ministre libanais jusqu'en janvier 2020, s'était d'ailleurs rendu en septembre dernier pour promettre un meilleur contrôle des docks. 

La contestation ravivée par la tragédie

Depuis le drame, la grogne monte au Liban à l'encontre de la classe politique, jugée responsable de l'état du pays. Sur Europe 1, le photojournaliste Maher Attar s'est dit en proie à "une colère sourde contre cette classe politique corrompue, pourrie, incompétente, qui se passe le pouvoir depuis des générations".

Un journaliste libanais connu, Marcel Ghanem, dont l'émission télévisée bénéficie d'une large audience, a quant à lui lancé : "Partez tous ! (...) Vous êtes corrompus, négligents, destructeurs, immoraux. Vous êtes des lâches. C'est votre lâcheté et votre négligence qui ont tué les gens". C'est dans ce contexte que le président Emmanuel Macron se rend à Beyrouth, jeudi, pour rencontrer "l'ensemble des acteurs politiques".